lundi 5 décembre 2011

Pour un désenclavement de l’hypnose

Avant que la médecine ne s’intéresse à l’hypnose, celle-ci était noyée dans l’obscurantisme des pratiques magiques ainsi que dans la dramatisation des spectacles de magnétisme. Or, l’histoire moderne de l’hypnose dont on considère le commencement avec Mesmer est une sortie progressive de l’obscurantisme par l’appropriation du corps médical. Notons au passage qu'une certaine irrationalité a tendance, depuis les années 70, à faire régresser l’hypnose vers un obscurantisme nouveau, même en psychothérapie.
Malgré son appropriation très bénéfique par les médecins au XIXe siècle, l’hypnose n’est pas un fait médical : c’est une compétence humaine. Et les craintes des médecins quant à la banalisation d’un usage de l’hypnose sont à mettre en grande partie sur le compte du fait que ceux-ci travaillent principalement avec des personnes fragiles et malades, et centrent leur vision sur la cure psychiatrique. Ces craintes étaient aussi dues à la croyance désormais révolue que l’hypnose augmente la suggestibilité et rend un sujet manipulable. On sait désormais que ça n’est pas le cas et que l’hypnose n’est pas un accès direct au cerveau de l’autre.
L’hypnose comme état est aussi naturelle que le sommeil, bien que moins ordinaire dans la vie de tout un chacun, en particulier sous la forme extrême d'une transe (plus courante sous la forme de rêverie profonde ou d'obnubilation persistante). Et l’hypnose comme technique n’est qu’une communication particulière, une relation de confiance, qui ressemble beaucoup à d’autres formes de communications complices et chaleureuses courantes dans la vie de chacun (surtout dans la relation parents/enfants).
Ainsi, pour ne pas laisser l’hypnose être stigmatisée soit comme une pratique magique, soit comme une pratique de foire à la limite de la charlatanerie, soit encore comme une pratique médicale délicate et dangereuse, il semble intéressant que d’autres champs professionnels s’approprient avec rigueur et compétence un usage direct et assumé de l’hypnose (la vraie, pas la relaxation mièvre qui se prétend parfois hypnose). On a vu les prémisses d’une telle ré-appropriation par la pédagogie bien que cela ne semble pas avoir fait l’objet d’un véritable mouvement convaincant. Les pratiques artistiques, qui rencontrent souvent par hasard la nécessité d’états hypnotiques n’ont pas non plus formalisé et systématisé leur droit à maîtriser et à utiliser l’hypnose. L’usage militaire de l’hypnose, quant à lui, reste confidentiel. Le sport n’a pas non plus systématisé l’usage de l’hypnose dans l’entraînement physique et psychologique, bien que cette pratique soit de plus en plus répandue.
Le faible développement de l’hypnose hors des mains-mises de la psychothérapie, de la médecine et du divertissement est la cause d’une polarité conflictuelle et de luttes ténues pour revendiquer la compréhension, voire l’exclusivité de la pratique de l’hypnose. Il est également à l’origine d’une méconnaissance de la nature de l’hypnose, de son accessibilité et de ses applications. Ce faible développement a encore pour conséquence qu’il existe très peu de recherches sérieuses sur l’hypnose hors de la neurologie, de la psychiatrie, de l’anesthésie, et de la psychologie expérimentale, par exemple sur des champs d’application aussi prometteurs et malheureusement négligés que la pédagogie et la psychologie de l’apprentissage.
Ce désenclavement de l'hypnose et sa banalisation sont une étape nécessaire et un objectif de la démarche de démystification qui nous est chère. Une étape nécessaire et urgente car trop de lobbys ont intérêt à brandir une menace fantasmée afin d'obtenir que l'hypnose soit interdite hors de leurs prérogatives. Une telle dérive basée sur l'ignorance serait une régression totale et la perte d'un des rares outils de psychologie appliquée permettant une facilitation réelle des apprentissages. Alors, avis à ceux d'entre vous qui voient une application possible de l'hypnose dans leur métier, informez-vous, formez-vous, venez qu'on vous enseigne, et augmentez votre art d'une capacité nouvelle. De la même façon qu'on utilise la créativité, la réflexion, la concentration... utilisons l'hypnose !

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