lundi 20 janvier 2014

Ateliers "Le Langage de l'Hypnose"


Je vous propose deux journées d'atelier à Paris : 

Samedi 22 Février

Thème : la confusion verbale (techniques, entraînement et utilisation)

et / ou 
Dimanche 23 Février 

Thème : forme active et formes passives (le langage de la dissociation)



Débutants ou confirmés, que ce soit pour réviser ou pour apprendre, ces ateliers conviviaux en petit groupe s'articuleront autour de jeux, d'exercices pratiques et d'échanges. Pour vous inscrire pour une journée ou pour le week-end entier, laissez-moi votre adresse e-mail en commentaire de ce post ou à l'adresse contact@hypno-paris.fr . N'hésitez pas à poser des questions également.

De 10h à 19h. Paris 12ème, Métro Michel Bizot

Animé par : Antoine Garnier

Tarifs :
70 euros la journée
120 euros pour une inscription aux deux journées.

Ateliers limités à 15 personnes (dans l'ordre de réception du règlement).
Quelques détails :

22/02 - « La confusion verbale en hypnose » 

Si l'hypnose vise une réorientation de la personne vers des repères plus stables, son induction passe par une désorientation, une véritable pédagogie du lâcher-prise et de la confiance. La confusion verbale est un superbe outil pour l'induction et pour l'approfondissement de l'hypnose ainsi que pour ponctuer les effets et favoriser l'amnésie. Comment s'entrainer efficacement à utiliser habilement la confusion verbale, de façon naturelle et subtile. Comment tirer un profit maximal de l'effet de confusion. Voilà sur quoi nous travaillerons durant cette journée grâce à des jeux clairs et simples, et aussi des exercices progressifs d'induction hypnotique.

23/02 - « Forme active et formes passives : le langage de la dissociation » : 

Une des clefs de la « conversion hypnotique » (passage de la veille à la transe) et des états profonds, réside dans la position d'observateur. Tout le langage de l'hypnotiste oriente naturellement et subtilement le sujet dans ce sens à travers des formulations simples, claires, et densément suggestives. Comment faire ? C'est simplissime. Et c'est à travers des jeux de langue, et exercices pratiques que vous apprendrez à corriger vos formulations pour viser efficacement les deux niveaux de dissociation de l'hypnose. Ce cours aborde un des aspects essentiels de l'hypnose conversationnelle (« covert hypnosis »). Mais c'est aussi une base pour tout hypnotiste.

Pour plus de détails, posez vos questions ici, par e-mail  ou sur facebook : https://www.facebook.com/events/338675069604621/

A très bientôt, 

Antoine

mardi 14 janvier 2014

Erickson et la régression hypnotique : démonstration thérapeutique


Récemment, sur la page facebook « Hypnose », forum très actif d'échanges et de débat sur ce thème, Nourel Essamma, praticienne en hypnose, a posté une session filmée bien connue du Dr Milton Erickson en l'accompagnant d'une transcription en français du texte afin de pallier à la qualité très relative de l'enregistrement sonore (*vous la trouverez à la fin de cet article).

(Voici le lien pour ouvrir la vidéo sur youtube, si elle n'apparaît pas, dites-le moi je la publierai moi-même.) 


Pour ceux qui ont sollicités mon analyse, je poste ici quelques éléments. J'attends vos commentaires.



Milton H. Erickson (1901-1980, USA)

On peut retrouver la transcription anglaise dans le précieux ouvrage de Bradford Keeney et Betty Alice Erickson intitulé « Milton H. Erickson, M.D. : An American Healer ».

Cette enregistrement d'une rare qualité fait partie des supports d'études des hypnothérapeutes qui s'intéressent à l'approche très caractéristique, très naturaliste et indirecte de Milton Erickson.
Elle représente une séance complète menée en 1958 devant une caméra par le Dr Erickson sur un jeune anglais, visiblement étudiant à la prestigieuse université de Cornell, dans l'état du New York, USA. L'enregistrement est mené à l'Université de Stanford, Palo Alto (Californie) par l'équipe des célèbres John Weakland et Gregory Bateson.
Le patient se présente comme souffrant de dépression. C'est sa deuxième séance avec le Dr Erickson.

Je ne vais pas faire une analyse détaillée de la séance car cela prendrait de très longues pages et n'intéresserait probablement que moi. D'autant qu'il est toujours délicat de décortiquer une séance, tant l'analyse demeure subjective et limitée par les biais d'interprétation de celui qui s'en rend coupable. Cela pourrait en outre faire l'objet d'un séminaire de travail entier.

Je souhaite simplement apporter un éclairage sur les grandes lignes de la stratégie.



Une pédagogie des stratégies mentales

Tout d'abord, pour comprendre la démarche thérapeutique d'Erickson, il faut se souvenir qu'il insiste en permanence sur le fait que l'hypnose ne sert pas à « dresser l'inconscient », mais à apprendre à une personne, consciemment, quelque chose qui lui fait défaut. C'est une pédagogie de l'inconscient et du conscient. L'hypnose ne sert pas à exiger de la personne qu'elle aille mieux, mais sert à créer une expérience, une épreuve, qui permette à la personne de comprendre, d'apprendre, ce qui lui est nécessaire pour ensuite aller mieux, par elle-même. C'est l'essence de l'approche indirecte, stratégique, développée par Erickson.

Erickson insiste bien souvent sur l'importance de considérer l'hypnose comme le terrain d'une répétition. Non pas au sens de répéter les choses, mais au sens où, par exemple, un orchestre répète avant un concert, une troupe de théâtre répète avant la représentation (« rehearsal », en anglais).

L'état d'hypnose et les hallucinations partielles ou absolues qu'il permet offrent au sujet entraîné la possibilité de vivre virtuellement quelques expériences répétées d'apprentissage qui s'ancrent beaucoup plus puissamment que si on avait passé un mois à « se forcer » dans notre état ordinaire.
Ainsi, si on veut « s'ouvrir à une autre façon de voir les choses » (recadrage), rien de tel que quelques exemples accompagnés, en hypnose, afin de bien continuer par soi-même.

Or, dans cette vidéo, le Dr Erickson accompagne son patient à travers la répétition de plusieurs traits cognitifs qui semblent lui faire défauts :


Le verre à moitié plein

Le patient est probablement parvenu à un point où son activité quotidienne ne lui procure plus d'enthousiasme. On déduit des éléments de cette séance qu'il ressent insatisfaction et frustration. Erickson lui apprend donc à trouver de l'intérêt « derrière » ce qui semble ne pas en avoir. Pour cela, il lui fait halluciner un tableau de statistiques qui révèle, « derrière », quelque chose d'intéressant et d'agréable qui implique du mouvement et de l'activité. De même, après lui avoir fait halluciné des montagnes froides et rudes, il va lui apprendre à laisser cette vision se transformer en courbes et devenir une vision plus agréable.


L'affirmation de soi

Le patient semble avoir une vision très globale et plutôt floue des choses. Son point de vue n'est pas immédiatement clair et tranché. Probablement que cet excès d'indécision contribue à sa dépression. Erickson l'accompagne donc dans différentes expériences d'hallucination en le poussant à affirmer son opinion sur des détails comme une couleur, une forme, etc... Il lui apprend à avoir une « vision précise ». Mais encore, il l'incite à avoir des préférences et suggère plusieurs fois l'affirmation d'un point de vue tranché. En même temps, et paradoxalement, il l'accompagne dans une façon d'ouvrir son regard et d'envisager des angles nouveaux. Ces deux attitudes ne sont pas incompatibles en réalité.

Devenir conscient des mécanismes inconscients
Le patient dépressif subit, évidemment, l'influence d'un réseau de suggestions qui lui font voir les choses négativement. C'est un biais cognitif négatif. En gros, lorsqu'il interprète une situation, son point de vue est biaisé par des influences inconscientes qui se sont glissées en lui au préalable, notamment ses croyances passées sur le monde. C'est là le propre du jugement humain.
Or, Erickson veut faire prendre conscience à son patient de cet état de fait et l'entraîner à détecter la façon dont il est influencé. Il lui apprend à prendre conscience des schémas négatifs dans lesquels il se laisse passivement guidé afin d’aiguiser sa résistance.


Pour se faire, Erickson propose plusieurs expériences d'associations d'idées. Ensuite, il invite son patient à remonter le fil de ses associations pour observer comment sa pensée a glissé d'une idée à une autre. Puis, il démontre à son patient que ces glissements étaient en parties autonomes et en partie aussi influencés par des suggestions subtiles données par Erickson lui-même. Par exemple, le patient évoque une mer agitée. Et Erickson lui montre que l'action combinée d'une suggestion directe d'imaginer quelque chose de désagréable, et d'une suggestion subliminale, le balancement de son corps d'avant en arrière, ont fait émergé chez le patient l'idée de la mer, des vagues, et d'une intempérie en mer. (Erickson a décrit dans un article son étude de l'induction du mal de mer par le balancement de la voix dans l'accompagnement hypnotique).


En lui révélant « le truc », il lui apprend à le reconnaître. Il rend conscient quelque chose d'inconscient, non pas par l'explication théorique, mais par la démonstration incontestable.

Erickson met en place une véritable pédagogie de la résistance (à la suggestion) en même temps qu'il l'incite, à ne pas exercer cette résistance durant cette séance avec lui, en qui il peut avoir entièrement confiance, et qui « ne lui cachera rien ». Dés le départ, en mettant à jour le « truc » de la vitre sans tain, et à travers toutes les autres expériences proposées, il n'a de cesse que de lui montrer qu'il ne veut pas le piéger, mais qu'il est « de son côté », ne lui cachera rien, ne le trahira pas, et qu'il peut lui faire entière confiance. C'est nécessaire pour développer les hallucinations et les régressions totales qui viennent ensuite.



La fierté

Et il y a une autre dimension encore : il incite le sujet à être fier de sa capacité à suivre des suggestions subtiles et imperceptibles et à les exécuter brillamment et naturellement. C'est une façon de lui faire garder la face : plutôt que le patient se dise qu'Erickson le balade et le manipule, il peut être fier d'être capable de réagir à des suggestions indirectes. Or, nous verrons comment toute cette séance est un apprentissage de la fierté. Ainsi, il l'encourage aussi à entrer plus spontanément dans l'expérience hypnotique, et notamment à développer des hallucinations et des régressions plus complètes.

Et il lui dit, indirectement, qu'il pourra plus tard se laisser influencer positivement par le travail de cette séance, sans avoir à en être conscient, c'est-à-dire qu'il suggère par avance l'amnésie qui se développe à la fin. En effet, toute cette séance pourra, plus tard, constituer une influence positive, mais parfaitement subliminale, sur son comportement spontané.



L'entraînement laborieux à la pensée positive, et à l'humanisation

Comme nous l'avons dit, le patient a une tendance au négatif. Sa pensée suit un schéma (pattern) d'associations qui le renvoie systématiquement vers une vision négative.

La première expérience d'association d'idée consiste donc pour Erickson à amener le patient à une expérience négative (la mer agitée). Ainsi, il va d'abord dans son sens, pour mettre en évidence son mécanisme. On appelle cette étape la « ratification ». L'autre le suivra bien volontiers dans cette tâche.

Puis il peux passer à l'apprentissage : inciter le schéma associatif à se diriger vers des évocations agréables. Il tente, en évoquant une montagne, de lui faire penser à une femme. Mais l'expérience échoue d'abord puisque le sujet voit un livre traitant de la guerre. Rien de plus normal à ce que le patient ne réussisse pas du premier coup. Il n'aurait pas de problème sinon.

Erickson insiste pour l'orienter vers une association agréable. Le patient inclut des « filles » à son expérience mais qui reste centrée sur la guerre. Erickson tente de lui faire remonter le fil de ses associations afin que le patient réalise la suggestion qui se cachait derrière la description de la montagne, mais sans lui révéler la solution. Le patient donne de nombreuses explications de la relation d'association d'idées qui l'a fait passé des montagnes à un building londonnien, de ce building à un night club, à une crème glacée et son étiquette, à l'Autriche, et à la guerre. Il finit par donner un autre lien par le bronzage d'un homme. Erickson pousse son patient, l'amène à accoucher de détails, de nouveaux liens, d'une expérience de plus en plus riche et précise, et qui inclut de plus en plus d'humains. En effet, un des schémas naturels du sujet (métaprogramme) consiste à créer des associations sur des objets, des images, mais sans sujets humains. Erickson le pousse littéralement à inclure la possibilité d' « objets animés », et parvient, avec l'idée des soldats et des filles, puis de l'individu bronzé, à un premier résultat.

Tout cet exercice a aussi (et surtout) une valeur de discours explicatif préalable : ce que tu penses ou ressens est une synthèse de souvenirs, de croyances implantées et développées dans le passé par diverses influences. Cette synthèse se construit au présent par résonance.
Cette explication permet au sujet d'intégrer l'étape que nous allons voir ensuite : comprendre que sa dépression est liée à une mauvaise résonance au passé, et qu'un travaille en régression sur le passé pourra avoir une influence subtile et discrète sur la façon dont il vivra l'instant présent, dans l'avenir.
Mais plutôt que d'expliquer tout cela de façon théorique ou professorale, Erickson le suggère longuement à travers ces expériences concrètes, préparant le terrain au travail central de changement mieux que n'importe quel « pre-talk ».


Vers la régression

C'est alors qu'en lui demandant la date, Erickson entérine cette surfocalisation comme un début de régression qu'il développe subtilement par la suite. Le sujet est désorienté, totalement plongé dans un ailleurs, dans des souvenirs, c'est alors qu'en lui demandant la date, Erickson entérine cette surfocalisation comme un début de régression qu'il développe subtilement par la suite. Rien de plus facile que de le faire basculer entièrement dans cette époque antérieure, à l'aide de quelques questions subtiles.

Et cette régression à l'époque où il skiait lui permet d'envisager l'avenir (qui est donc le passé pour la situation réelle). Et notamment d'envisager son futur choix d'université.

On peut considérer à partir de là que les exercices précédents, bien que utiles pour eux-mêmes et important dans la thérapie, constituent une phase d'induction d'un état à partir duquel un recadrage peut être mené. Et c'est à ce moment précis que finit l'induction (la préparation) et que commence la suggestion centrale.


Une nouvelle « ancienne croyance »

La partie qui suit, sur les universités, s'avère le cœur de la séance.

Le patient semble bloqué au présent par une inadéquation avec une croyance passée : dans le passé, il avait une connaissance limitée de ce qu'étaient les bonnes universités, et pour lui, le succès passait par le fait d'intégrer une des trois grandes universités britanniques. Cette croyance basée sur l'ignorance s'est pourtant ancrée, et nous le voyons quand, régressé huit ans auparavant, Erickson l'interroge sur la question. Son premier réflexe est d'exprimer une évidence : j'irai à l'Université de Londres.
Le patient régressé ne sait pas encore ce que nous savons : qu'il ira à l'Université de Cornell, USA.

En 48, il avait une croyance (limitative) par rapport à son avenir. Il croyait qu'en 52, il irait à l'Université de Londres.
Maintenant, nous sommes en 1958, et il est à Cornell. L'instant présent vient trouver, au fond de lui, une dissonance par rapport à son ancienne anticipation de l'avenir. Ca ne colle pas. La réalité n'est pas négative en elle-même (Cornell est une université prestigieuse et son chemin de vie se passe très bien), mais elle est négative dans le sens où elle n'accomplit pas les projets anciens figés dans son inconscient tels des suggestions à retardement.

Or, il s'agit là d'un mécanisme très répandu de conflit intérieur, tout-à-fait possiblement à l'origine d'une dépréciation de soi, et d'une dépression.
Aujourd'hui, il « sait » de façon purement intellectuelle que Cornell est une université prestigieuse, Mais cela ne cadre pas avec sa représentation passée, ce qui, au lieu de provoquer un sentiment de fierté, provoque une insatisfaction.


On rencontre souvent, par exemple, des personnes qui se sont fabriqué dans leur enfance l'idée (la croyance) qu'un adulte ne peut pas être heureux et épanoui, soit par qu'il auront eu un tel modèle, ou bien qu'on leur aura suggéré. Et arrivé à l'âge adulte, disposant de toutes les conditions matérielles et objectives pour être parfaitement heureux, ils sont confrontés à un conflit interne, et se retrouve sous l'empire de cette ancienne croyance qui « refuse » de les laisser profiter pleinement de leur bonheur d'adulte.

Ce schéma d'inadéquation entre le présent et l'anticipation faussée qu'on en faisait, et qui devient une inadéquation entre « ce que je sais » et « ce que je ressens », est un classique du genre.


Erickson insiste très souvent sur l'importance d'enseigner au sujet la satisfaction personnelle et la fierté.


Ici, il opère d'une façon très fine : régressé en 1950, il l'interroge, comme nous l'avons dit, sur les universités prestigieuses. Et, sans jamais lui imposer quoi que ce soit, le pousse par des questions neutres, à élargir sa pensée aux universités en dehors de Londres, puis, hors du Royaume-Uni, et à considérer Cornell comme l'une des universités prestigieuses qui pourront, pour plus tard, constituer une option synonyme de succès et de fierté.

En 1950, par ignorance, il n'avait pas pu envisager ce chemin. Erickson le ramène en 1950, brise sa fermeture d'esprit par un questionnement très peu invasif (afin que le sujet n'ait jamais l'impression qu'on le force à voir les choses ainsi). Et il l'incite à envisager plein de chemins, dont celui qu'il prendra. Evidemment, Erickson a une longueur d'avance sur le patient régressé, puisque lui sait ce qu'il deviendra. Et c'est pourquoi il doit savoir l'inciter subtilement à envisager cet avenir, sans le lui révéler.

Ainsi, en revenant en 1958, sa situation réelle pourra résonner avec le souvenir (créé en hypnose) qu'il pourra être parfaitement heureux et épanoui en étudiant aux Etats-Unis, et particulièrement à l'université de Cornell. Sa situation actuelle sera en parfait accord avec ses représentations profondes du succès et du bonheur et il pourra en tirer de la fierté.

Cette procédure est bien connue des thérapeutes « ericksoniens » et est enseignée dans les formations d'hypnothérapie parmi les différents usages de la régression hypnotique, notamment dans le travail sur la dépression. Il s'agit d'un type très particulier de recadrage (reframing).


La parenthèse

Immédiatement après cette phase de travail, Erickson réoriente le sujet vers l'exercice d'associations, vers les montagnes, la boite de crème glacée, etc... Ainsi, il semble fermer une parenthèse.

Cela favorise l'amnésie sur cette partie essentielle. Erickson insiste souvent sur l'importance de noyer la suggestion post-hypnotique (celle qui s'avèrera directement utile pour l'avenir) dans un flot d'exercices de suggestion valables au présent afin que la personne l'oublie consciemment et qu'elle continue son effet à un niveau inconscient.

Cette interrogation sur les universités, cette projection dans l'avenir, semble anodine, semble être une petite pause avant de revenir à l'effort de pensée de l'exercice difficile des associations. En réalité, c'est une façon de faire diversion, comme peuvent le faire les prestidigitateurs, afin que, après la séance, si le sujet se demande « qu'avons-nous fait d'essentiels », sa mémoire ne s'oriente pas spontanément vers cette partie discrète de la séance. Et ainsi, il ne viendra pas la déconstruire consciemment.

L'exercice d'association s'avère rapidement un succès, par la suite. Sa pensée s'oriente beaucoup plus rapidement vers l'humain, vers un individu, vers une fille. Ce qui avait été commencé est fini ici. Erickson emploie ici la même méthode que lorsqu'il commence à serrer la main d'une personne, s'interrompt pour faire tout un ensemble de suggestions, puis termine de serrer la main « comme si de rien n'était ».



Apprendre la fierté dés le plus jeune âge

Mes réactions au présent sont une résonance par rapport à des expériences passés multiples qui résonnent elle-même par rapport à mes expériences les plus fondatrices de l'enfance.

Erickson régresse donc son patient à l'âge de neuf an pour lui apprendre à être fier. Le patient exprime que son père lui rappelle sans cesse qu'il ne grandira pas. Avec humour, Erickson, qui fait ici autorité, contredit son père en lui affirmant au passage, l'air de rien, qu'il grandira bel et bien. Puis, il le ramène immédiatement à l'instant présent pour le réveiller parfaitement de l'hypnose.
Il le réoriente immédiatement vers des choses anodines, « thanksgiving »...


La suggestion d'après l'hypnose

L'instant qui suit immédiatement le réveil de l'hypnose est particulièrement propice à des suggestions thérapeutiques. Dans son style indirecte et métaphorique unique, Erickson encourage son patient à ne pas être frustré ni déçu, en faisant preuve d'un fort « appétit », en saisissant les opportunités, en prenant pour lui ce qui lui revient, etc...

Aussitôt après, Erickson teste le degré d'amnésie, faisant comme si l'hypnose n'avait pas eu lieu, afin de ne surtout pas gâcher une telle amnésie si elle avait eu lieu. Ca n'est pas le cas : le patient se souvient d'avoir été hypnotisé et du tout début de la séance. Cela suffit pour semble indiquer que l'essentiel, qui pourtant ne semblait pas le moment le plus impressionnant, a bien été oublié... consciemment.


La technique

Je me suis contenté ici de donner quelques éclairages sur les grandes lignes du déroulé de la séance. Evidemment, cela ne dit pas « comment » il s'y prend pour réaliser cet accompagnement particulièrement fluide. Une analyse très détaillée de la séance permet de mettre en évidence une grande quantité de « trucs », d'outils, de techniques, très utiles, élégants, efficaces. Mais ces techniques peuvent seulement faire l'objet d'une formation en bonne et due forme, d'un séminaire ou d'une analyse écrite, réservés à l'usage des hypnologues professionnels.

Cela dit, toute personne curieuse d'apprendre les secrets de la communication hypnotique d'Erickson pourra faire un usage studieux de cette démonstration filmée et de sa transcription pour découvrir les détails cet art.




*Transcription tirée de l'ouvrage traduit en Français :

Dr Erickson : Vous savez, une chose m’intrigue : ce miroir sans tain. Je pense que je préfèrerais que quelqu’un allume une cigarette… Avez-vous remarqué cela ?
Patient : Hmm Hmm.
Dr Erickson : Quiconque se sert d’un miroir sans tain devrait faire attention à cela. Et je me demande si André réalise que (pause) vous pouvez voir cela. Et vous savez, lorsque vous entendez parler du travail expérimental qu’ils font ici, sont-ils conscients du fait qu’ils peuvent se trahir à travers un miroir sans tain. Vous souvenez vous de la première fois que nous nous sommes rencontrés ? Nous n’étions pas assis tout à fait dans cette position. J’étais à votre gauche, n’est-ce pas ?
Patient : A ma droite.
Dr Erickson : Et c’est cela, à votre droite. Et voyons. Il y avait Hilgard, légèrement à gauche de la pièce.
Patient : Oui
Dr Erickson : Dans la même position, globalement que celle où Bateson se trouve à l’instant.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je ne me rappelle pas du tout où étaient les autres, mais ils étaient éparpillés tout autour de nous. Ils étaient plutôt silencieux, et ils écoutaient ce que j’avais à vous dire. Et l’une des choses que je vous ai mentionnées, c’est cette question de vous ressentir, vous rappelez-vous ?
Patient : Oui, je m’en souviens, oui.
Dr Erickson : Et tandis que vous vous souvenez de cela, vous rappelez précisément de ce qui vous est arrivé comme vous vous le rappeliez ? (pause) C’est cela. Vous vous êtes senti aller en transe, comme vous vous le rappelez, tout comme vous vous sentez aller en transe maintenant. Et je voudrais que vous vous sentiez dans une position différente, dans une position différente dans cette pièce que celle dans laquelle vous êtes maintenant. Et fermez les yeux, et dormez profondément, et sentez-vous dans une position différente dans cette pièce, comme si vous étiez assis de façon quelque peu différente. Et Gregory est toujours là-bas, en train d’actionner cela. [c'est-à-dire, en train d’actionner la caméra], et je voudrais que vous vous sentiez aller de plus en plus profondément en transe. Je me demande ce que vous auriez envie de faire dans cet état de transe. Vous faisiez de la recherche, je crois, sur les primates.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je voudrais que vous pensiez à cela, et ensuite je voudrais que vous vous demandiez quel autre sujet pourrait se présenter, et je me demande si vous auriez envie de regarder pas là, par là. Et je me demande quelle visualisation vous pourriez obtenir en regardant par là. Je me demande si vous pourriez voir un film ou une sorte d’écran.
Patient : Je peux voir un écran, là-bas.
Dr Erickson : Vous pouvez voir un écran. J’aimerais que vous voyiez une bande de statistiques sur cet écran, et j’aimerais que vous vous demandiez ce qu’elles représentent. Elles n’ont probablement pas d’intérêt particulier, et ensuite j’aimerais que vous voyiez quelque chose derrière ces statistiques. Quelque chose d’intéressant ; quelque chose d’agréable. C’est cela. Et commencez à voir quelque chose d’agréable et d’intéressant. Très agréable et très intéressant, qui implique du mouvement et de l’activité. C’est cela. Du mouvement et de l’activité – lesquels se transforment en quelque chose d’autre qui est moins plaisant, un peu désagréable. Et cela continue et je voudrais que vous me disiez quelles sensations ce mouvement vous donne. Qu’est ce que ce mouvement vous semble être ?
Patient : J’ai vu quelqu’un courir. Il a arrêté de courir et il est sur le sol.
Dr Erickson : Il est sur le sol. Et maintenant, le sol disparait. C’est un autre type de mouvement, mais c’est un espace.
Patient : Il tombe.
Dr Erickson : Il tombe. Oui ?
Patient : Vers le bas. Il descend.
Dr Erickson : Et vers le bas. Et cela ne va pas vous effrayer maintenant. Et maintenant, je voudrais que vous transformiez cette visualisation en quelque chose d’autre. Je voudrais que vous découvriez quelque chose d’entièrement différent. Je voudrais que vous découvriez que votre compréhension de « oui »  et « non » a changé. Que maintenant en hochant la tête vous signifiez…
Patient : « non. »
Dr Erickson : Et qu’en secouant la tête vous dites…
Patient : « oui. »
Dr Erickson : Êtes-vous sûr de comprendre cela ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Très bien. Et combien de temps pensez-vous être capable de réaliser et de comprendre cela ?
Patient : Aussi longtemps que vous le direz.
Dr Erickson : Aussi longtemps que je le dirais.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Très bien. Et que voyez-vous ?
Patient : Je vois des vagues sur la plage.
Dr Erickson : C’est cela. Et vous voyez des vagues sur la plage. Savez-vous comment il se fait que vous voyiez ces vagues sur la plage ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Aimeriez-vous le savoir ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant, je vais vous parler et je voudrais que vous m’accordiez un petit peu d’attention. Pendant que je vous parle, savez-vous comment il s’est trouvez que vous voyiez les vagues sur la plage ? il s’est trouvé que vous avez compris cela maintenant et je suis toujours en train de vous parler, et vous voyiez les vagues sur la plage. Et savez-vous maintenant ? [pause] Et vous ne savez pas, qu’est ce que les vagues sont en train de faire.
Patient : Elles roulent, elles s’écrasent sur les rochers là-bas.
Dr Erickson : Oui, et que ferait un bateau si un bateau se trouvait sur l’eau ?
Patient : Ce serait très agité [difficile].
Dr Erickson : Oui, et que ferait-il ?
Patient : Il se balancerait…
Dr Erickson : Il se balancerait d’avant en arrière, n’est-ce pas ?
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je vous ai dit de voir une scène qui implique un mouvement. Vous avez vu une course qui s’est arrêtée. Et ensuite vous avez vu une chute. Et ensuite je vous ait dit de voir un espace. Et maintenant, après que vous avez vu un espace, il s’est transformé en eau avec des vagues. Plus rapides que mes mouvements, c’est bien ça ?
Patient : Hmm hmm, oui.
Dr Erickson : Mais voyez-vous comment il s’est fait que je vous ai amené à trouver cette eau et ces vagues ? [Pause]Bien ? Maintenant, la première chose que j’ai faite a été de développer un mouvement, et pas un mouvement agréable. C’est bien cela ? [Pause] J’ai suggéré un mouvement et ensuite quelque chose de pas tellement agréable. Vous rappelez vous ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et vous ne l’avez pas tellement apprécié, n’est-ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Et j’ai continué à me balancer d’avant en arrière, de cette façon et ensuite je vous ai fait voir un espace, et ensuite vous avez vu un mouvement rapide, le balancement des vagues, le fracassement des vagues, d’avant en arrière. Mais j’avais donné la connotation d’un caractère désagréable, comme vous avez dit que l’eau était agitée. Et ainsi vous avez fait concorder cette suggestion indirecte, ou ne la reconnaissez vous pas comme une suggestion ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant, oui ?
Patient : Je la vois comme une suggestion, maintenant.
Dr Erickson : Vous la voyez comme une suggestion, maintenant. Comment allons-nous la changer maintenant, parce que nous n’avons plus besoin d’avoir le ballotement de ces vagues ?
Patient : Quelque chose de plus immobile.
Dr Erickson : Quelque chose de plus immobile.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Par exemple, hmm, de la neige au sommet d’une montagne. C’est plutôt immobile, là-bas, n’est-ce pas ? C’est une journée tranquille. C’est une vue magnifique, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Quelque chose de très, très beau. Et ces proéminences montagneuses, et les vallées. Et les lignes de montagnes contre l’horizon, et les teintes ravissantes. Et maintenant pensez à autre chose qui soit agréable. Et que voyez-vous ? C’est quelque chose de différent, totalement différent. Et que voyez-vous ?
Patient : Je vois un livre.
Dr Erickson : Vous voyez un livre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et où est ce livre ?
Patient : Il est dans une librairie.
Dr Erickson : Et qu’y a-t-il dans le livre ?
Patient : Des mots.
Dr Erickson : Oui, quoi d’autre ?
Patient : Il parle d’une guerre.
Dr Erickson : Il parle d’une guerre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Hmm, quelle guerre ?
Patient : La dernière guerre.
Dr Erickson : La dernière guerre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Hmm hmm. Et quelle scène agréable vient à l’esprit, maintenant ?
Patient : Différentes personnes dans une pièce.
Dr Erickson : Et qui sont ces personnes ? Que sont ces personnes ?
Patient : Ce sont des soldats et des filles.
Dr Erickson : Des soldats et des filles.
Patient : Et ils dansent.
Dr Erickson : Et ils dansent.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant, comment êtes-vous passé des montagnes à une scène différente au livre à la guerre aux soldats aux filles à la danse ?
Patient : Je suis descendu des montagnes en Autriche.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Et il y avait des signes de guerre.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Et cela a amené la scène amère de la guerre.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Dans une boite de nuit, je pense, à Londres.
Dr Erickson : Hmm hmm. Et maintenant, quelle partie de la scène dans cette pièce, quelle partie de cette scène dans la pièce vous rappelle-t-elle plutôt directement la scène de la montagne ?
Patient : Je pense le fait que cette pièce est en haut d’un immeuble, nous avons dû monter de nombreuses marches.
Dr Erickson : Oui, mais qu’y avait-il dans cette pièce qui fait penser à la montagne ? Maintenant, regardez chaque objet animé et inanimé dans la pièce et regardez simplement tout cela.
Patient : Je vois. Il y a une réclame pour de la crème glacée. Et sur cette réclame il y a un montage dessiné en blanc et bleu pâle.
Dr Erickson : Et c’est pour cette raison ?
Patient : Je pense, oui.
Dr Erickson : Maintenant, que dit la réclame ?
Patient : Elle dit : « achetez la crème glacée Wall. »
Dr Erickson : Et maintenant, où est cette réclame ?
Patient : Sur le comptoir, au fond de l’endroit où l’on sert à manger.
Dr Erickson : Et où se trouve cette pièce, réellement ?
Patient : Elle se trouve à Londres.
Dr Erickson : Elle se trouve à Londres.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : [Pause] très bien. Maintenant qu’y a-t-il d’autre dans la pièce de très différent qui vous rappelle les montagnes ? Animé ou inanimé.
Patient : Il y a là une personne qui semble très bronzée.
Dr Erickson : Oui ?
Patient : Peut-être est-il allé skier à la montagne, je ne sais pas.
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Patient : C’est possible.
Dr Erickson : C’est possible. D’accord.
Patient : [Pause] il a un bronzage que l’on obtient que lorsque qu’on skie à la montagne.
Dr Erickson : Cette combinaison de bronzage et de hâle dû au vent ?
Patient : Oui, c’est tout à fait cela.
Dr Erickson : Tout à fait cela [Pause]. Et en quelle année est-ce ?
Patient : 1948, je pense.
Dr Erickson : Et qui suis-je ?
Patient : Vous êtes la personne à table avec laquelle je parle.
Dr Erickson : C’est cela. Et peut-être nous rencontrerons-nous à nouveau.
Patient : Peut-être.
Dr Erickson : On ne sait jamais.
Patient : Non.
Dr Erickson : Et qu’aimeriez vous faire en 1950 ?
Patient : Peut-être aller skier avec vous ? Peut être cela ?
Dr Erickson : Je pense que ce serait intéressant. Et où pensez vous que nous pourrions aller skier ?
[Inaudible à cause d’un bruit]
Dr Erickson : Ce serait un bel endroit ?
Patient : Je pense, oui.
Dr Erickson : Depuis combien de temps skiez-vous ?
Patient : Oh, quatre ou cinq ans environ.
Dr Erickson : Vous aimez vraiment ?
Patient : Beaucoup, oui.
Dr Erickson : Et en 1952, que pensez vous que vous ferez ?
Patient : En 1952 j’essaierai d’entrer à l’université, je pense.
Dr Erickson : Ah oui ?
Patient : Je pense.
Dr Erickson : Et dans quelle université pensez-vous essayer d’entrer ?
Patient : Londres, bien sûr.
Dr Erickson : Londres, bien sûr.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Eh bien, il y a d’autres universités, n’est-ce pas ?
Patient : Oui, je suis d’accord [rire bref].
Dr Erickson : Combien d’autres universités y a-t-il, selon vos critères ?
Patient : C'est-à-dire, pour ce qui est de l’Angleterre, il n’y en a pas beaucoup.
Dr Erickson : Ah bon ?
Patient : Eh bien, il y en a à peu près trois en Angleterre, c'est-à-dire Oxford, Cambridge et Londres.
Dr Erickson : Oui ? Mais vous avez mentionné le mot « ailleurs. »
Patient : Eh bien, j’étais d’accord sur le fait qu’il y a des universités en dehors de l’angleterre.
Dr Erickson : Oh, vous êtes d’accord avec cela ? Et où pourrais-je penser qu’il y a des universités ?
Patient : Je ne sais pas. Je pense que les bonnes universités se trouvent en Angleterre.
Dr Erickson : Oui, j’ai lu cela. Effectivement, je le pense.
Patient : Eh bien, où pourriez-vous dire qu’il y a de bonnes universités ?
Dr Erickson : Eh bien Où pourrais-je dire qu’il y a de bonnes universités ?
Patient : Vous pourriez dire en Amérique, vous pourriez dire en Allemagne, vous pourriez dire en France.
Dr Erickson : Et pourrais-je dire en Allemagne ?
Patient : Oui vous pourriez dire en Allemagne.
Dr Erickson : Je pourrais dire en Allemagne, mais le ferais-je ?
Patient : Heu eh bien, cela dépend de votre sensibilité sur ce sujet, je pense.
Dr Erickson : Et dirais-je en France ?
Patient : Je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas.
Dr Erickson : Vous avez des idées biens arrêtées sur le sujet, n’est-ce pas ?
Patient : Peut-être. Je veux dire, ce n’est pas précisément l’époque où les universités se portent au mieux dans ces pays, mais
Dr Erickson : Et où se porteraient-elles au mieux ?
Patient : Euh, en Angleterre et en Amérique en ce moment, je suppose.
Dr Erickson : Hmm hmm. Où cela en Amérique ?
Patient : A Harvard, particulièrement.
Dr Erickson : A Harvard, particulièrement. Où encore ?
Patient : A Yale. Kornell. Ce sont les seules dont on entend parler, bien que j’entende dire qu’il y en a beaucoup d’autres…
Dr Erickson : Sans aucun doute, il y en a beaucoup d’autre. [Pause] Les panoramas des montagnes sont magnifiques, n’est-ce pas ?
Patient : Ils sont magnifiques.
Dr Erickson : Et skier est très plaisant.
Patient : Oui.


Dr Erickson : et si vous deviez choisir une université en Amérique, où iriez vous ?
Patient : Euh… en cherchant, j’en choisirais une près des montagnes.
Dr Erickson : Où, par exemple ? [Pause]
Patient : Je ne sais pas. Il n’y a pas trop de montagnes à Kornell je pense.
Dr Erickson : Il y a des lacs.
Patient : Mais on ne peut pas skier sur des lacs.
Dr Erickson : Non, on ne peut pas.
Patient : Je pense qu’il faudra que j’essaye quelque part à l’ouest mais je ne les connais pas très bien pas là-bas.
Dr Erickson : Pourquoi, y a-t-il des montagnes là-bas ?
Patient : Il y a des alpinistes, je pense.
Dr Erickson : Et maintenant, changeons d’endroit, disons qu’il y a une montagne juste là, une vue de montagne et je voudrais que vous voyiez tout cela au loin [pause] Et maintenant, octobre approche et les feuilles changent de couleur et je voudrais que vous voyiez que cette montagne symbolise quelque chose. Qu’elle symbolise quelque chose qui se trouve devant cette réclame de crème glacée [pause] et que voyez-vous ?
Patient : Je vois quelque chose de plutôt froid, d’austère, quelque chose de très tranche.
Dr Erickson : Et les contours de cette vue de montagne changent, et les ombres changent, jusqu'à ce que vous puissiez voir plus clairement ce que c’est.
Patient : Je vois une fille.
Dr Erickson : Vous voyez une fille.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Oui.
Patient : [pause] Et elle est assise ici au comptoir, et elle me parle.
Dr Erickson : Oui ? Et comment elle est habillée ?
Patient : Elle porte du vert foncé. Elle a des cheveux très noirs, ondulés.
Dr Erickson : Et ses joues ? Et son cou ?
Patient : Je pense qu’olivâtre serait le terme qui conviendrait le mieux.
Dr Erickson : Hmm hmm. Comment avez-vous vu son visage et son cou pour la première fois ?
Patient : Olivâtre, absolument.
Dr Erickson : Est-ce ainsi que vous les avez vus pour la première fois ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et que vouliez vous dire par froid ?
Patient : Eh bien, c’était plus l’expression sur son visage, je pense.
Dr Erickson : L’expression sur son visage ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant, comment êtes vous passé de cette montagne et de la réclame pour de crèmes glacés à une fille ?
Patient : [pause] principalement à travers le symbolisme, parce que dans le symbolisme j’ai, vu un grand nombre des qualités qu’elle avait.
Dr Erickson : Quelles étaient ces qualités ?
Patient : Des qualités d’indépendance.
Dr Erickson : Et vous rappelez-vous les mots que j’ai employés en décrivant cette montagne de départ ?
Patient : Quelque chose qui se tient debout tout seul.
Dr Erickson : Tout seul.
Patient : Juste cette montagne.
Dr Erickson : Et de la neige au sommet.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et silencieux. Et pas de mouvement ?
Patient : Absolument.
Dr Erickson : Et ensuite des lignes ?
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Je n’ai pas parlé de courbes, n’est ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Non, je ne l’ai pas fait.
Patient : Non, je ne le pense pas.
Dr Erickson : Non, je ne l’ai pas fait. J’ai fait très attention d’éviter ce mot, « courbes » et j’ai dû vous donner le temps de construire cette suggestion originale parce que je voulais que vous voyiez cette montagne se transformer en courbes, et en lignes, sans prononcer le mot « courbes ». [pause] Et le froid et l’immobilité, et la neige. Et tout seul et ensuite, les lignes qui pouvaient changer, et les teintes et les couleurs, et c’est l’automne.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Vous voyez, maintenant ?
Patient : Oui, je vois.
Dr Erickson : N’êtes-vous pas content de votre capacité de déceler ces petits signaux ? Moi, je le suis. Je pense que c’est merveilleux quand vous faites cela. Et je pense : « la Montagne d’André White. » Qui est-ce ? [pause] Vous ne le savez pas vraiment, n’est-ce pas ? Qui suis-je ?
Patient : Vous êtes la personne avec laquelle je parle à cette table.
Dr Erickson : C’est cela. Et en quelle année sommes-nous ?
Patient : En 1950.
Dr Erickson : Hmm hmm ? Et souhaiteriez vous faire l’expérience d’un changement de temps ? C’est une conversation curieuse, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Cela ne vous dérange pas, n’est-ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Il serait intéressant de faire l’expérience d’un changement de temps ?
Patient : Je le pense.
Dr Erickson : Nous lisons cela dans les livres de science fiction et nous y pensons dans notre imaginaire, et nous l’avons dans nos rêves. Et dans nos rêves nous pouvons rêver que nous sommes de petits enfants. [Pause] Et je peux rêver cela et vous pouvez rêver cela. Et dans le rêve, vous vous sentez être un petit enfant, et vous percevez comme un petit enfant. C’est cela. [pause] Et comment t’appelles-tu ?
Patient : Gordon.
Dr Erickson : Et quel âge as-tu Gordon ?
Patient : Neuf ans.
Dr Erickson : Et qui suis-je ?
Patient : Je ne sais pas. Je ne vous ai jamais rencontré.
Dr Erickson : Tu ne m’as jamais rencontré ? D’accord. Je suis l’ami de personnes que tu connais très bien. Peut-être peux-tu deviner qui.
Patient : M. Morrissey ?
Dr Erickson : Et quelqu’un d’autre ?
Patient : John.
Dr Erickson : Tu devines vraiment bien, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Ça ne te fait pas plaisir ?
Patient : Si, bien sûr [petit rire]
Dr Erickson : C’est agréable de deviner juste les deux premières fois, n’est-ce pas ? Bien, qu’as-tu fait hier ?
Patient : Hier, je suis allé à l’école.
Dr Erickson : Ah oui ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Est-ce que tu t’y es plu ?
Patient : Non. Je suis comme qui dirait pas très bon.
Dr Erickson : Pas très bon.
Patient : Non.
Dr Erickson : Pourquoi ?
Patient : Eh bien, c’est… j’ai peur de déclencher une bagarre avec les autres garçons, vous savez ? [Petit rire]
Dr Erickson : Tu ne t’en veux pas de cela, n’est-ce pas ?
Patient : Eh bien, normalement, non, mais s’il avait perdu, je m’en serais voulu.
Dr Erickson : Hmm hmm. Eh bien, tu sais, Gordon, un jour tu grandiras. Tu sais cela ?
Patient : Pas à en croire ce que mon père ne cesse de me dire. [Petit rire]
Dr Erickson : Bon, mais tu vas grandir. Tu sais, le temps change, regarde ma main. C’est cela. Le temps change. Et les années passent, et très bientôt je veux que tu te réveilles, parfaitement réveillé, aussi parfaitement réveillé que tu le seras le 28 novembre 1958. Maintenant, fermez les yeux et réveillez vous, aussi parfaitement réveillé que vous le serez le 28 novembre juste avant d’aller dîner. Bonjour. Bonjour. Bonjour…
Patient : Il fait chaud sous ces projecteurs, mais autrement, tout à fait en forme.
Dr Erickson : Tout à fait en forme.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Hmm hmm ? Et qu’allez vous faire pour thanksgiving ?
Patient : Sortir diner. C’est le point essentiel.
Dr Erickson : Vraiment ?
Patient : Oui. [Rires]
Dr Erickson : C’est le point essentiel, n’est-ce pas ?
Patient : Je sais que vous avez une excellente fête de Thanksgiving. Nous ne la célébrons pas en Angleterre, mais je pense que c’est une très bonne idée.
Dr Erickson : Et avez-vous organisé les choses de sorte à avoir plusieurs invitations à déjeuner le jour de thanksgiving ?
Patient : Non, juste celle là. Je pense que celle là suffit.
Dr Erickson : Eh bien, je peux me souvenir d’un de mes amis qui avait accepté une invitation à déjeuner tôt, parce qu’ils avaient des projets, son hôte était pris l’après midi. Ils l’avaient seulement invité à onze heures pour un déjeuner de thanksgiving. Ses autres amis l’avaient invité à quatre heures pour un déjeuner de thanksgiving, il y est donc allé. Et ensuite, d’autres personnes avaient un déjeuner tardif et il a mangé magnifiquement à chacune de ces trois invitations.
Patient : C’est un petit peu plus que ce que je peux faire, je pense.
Dr Erickson : Eh bien, vous n’avez jamais essayé.
Patient : Je ne pense pas que j’aimerais en essayer trois. Je pense qu’une suffit, habituellement. Ou depuis l’année dernière, une était certainement suffisante.
Dr Erickson : Eh bien, je crois qu’un bon petit conseil, c’est de toujours prendre votre seconde, troisième et quatrième portion en même temps que la première. [rires] De cette façon il n’est pas possible d’être frustré ou déçu.
Patient : C’est juste.
Dr Erickson : Au fait, pensez vous que vous irez en transe cet après midi ?
Patient : Que j’irais en transe cet après midi ?
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Patient : J’ai été en transe.
Dr Erickson : Vous l’avez été ?
Patient : Je suis certain que je l’ai été, oui.
Dr Erickson : Pourquoi en êtes-vous certain ?
Patient : Eh bien, je peux me rappeler certaines des choses que j’ai faites.
Dr Erickson : Hmm hmm ? Et avez-vous observé Gregory ?
Patient : [rires] non, pas Gregory là-bas. Mais il est ici et maintenant.
Gregory Bateson : salut.
Dr Erickson : [rires]… En oubliant cette conversation.
Patient : C’est un type tranquille.
Dr Erickson : Hmm hmm. C’est plaisant de le voir travailler, n’est pas ?
Patient : Oui, absolument.
Dr Erickson : Voila qui lui change les idées par rapport à ce dont vous et moi étions en train de parler. [rires]
Gregory Bateson : Eh bien ?
Dr Erickson : Oh, il me donne une sorte de signal, mais j’étais trop occupé pour prêtez attention à ce que c’est.
Patient : Il a dit : « eh bien » ou quelque chose comme ça, et je ne sais pas très bien ce qu’il voulait dire par là …
Dr Erickson : Vous souvenez vous quand vous êtes retourné en transe ?
Patient : Oui, je pense que je peux me rappeler la plupart des choses.
Dr Erickson : Nous parlions d’André et du fait de fumer, n’est-ce pas ? A travers le miroir sans tain.
Patient : C’est cela, oui, et que c’était bête de faire cela derrière un miroir sans tain… [rires]
Dr Erickson : Eh bien, vous avez même pensé qu’il ne faudrait même pas respirer derrière un tel miroir.
Patient : Non, ne pas bouger, assurément, je pense.
Dr Erickson : …complètement réveillé, maintenant ?
Patient : Il me semble, oui.
Dr Erickson : Vous en êtes tout à fait certain ?
Patient : Oui, j’en suis certain pour autant que je sache, oui.
Dr Erickson : Vous commencez à avoir des doutes ?
Patient : [pause] Seulement quelques doutes.
Dr Erickson : Hmm hmm ? Très bien, eh bien, débarrassez-vous des doutes.
Patient : Très bien. [Rit] si vous le dites. [Rires]
Dr Erickson : Eh bien, je souhaiterais qu’ils viennent par ici pour nous faire savoir si nous pouvons quitter ces sièges où il fait si chaud.
Patient : Oui, sous ces lumières qui chauffent, quoi qu’il en soit. Il y a du bruit dans le fond, là-bas.