Récemment, sur la page facebook
« Hypnose », forum très actif d'échanges et de débat
sur ce thème, Nourel Essamma, praticienne en hypnose, a posté une
session filmée bien connue du Dr Milton Erickson en l'accompagnant
d'une transcription en français du texte afin de pallier à la
qualité très relative de l'enregistrement sonore (*vous la trouverez
à la fin de cet article).
(Voici le lien pour ouvrir la vidéo sur youtube, si elle n'apparaît pas, dites-le moi je la publierai moi-même.)
Cliquez ici : http://www.youtube.com/watch?v=QBIZ49y_n4k
Pour ceux qui ont sollicités mon analyse, je poste ici quelques éléments. J'attends vos commentaires.
Milton H. Erickson (1901-1980, USA) |
On peut retrouver la transcription
anglaise dans le précieux ouvrage de Bradford Keeney et Betty Alice
Erickson intitulé « Milton H. Erickson, M.D. : An
American Healer ».
Cette enregistrement d'une rare qualité
fait partie des supports d'études des hypnothérapeutes qui
s'intéressent à l'approche très caractéristique, très
naturaliste et indirecte de Milton Erickson.
Elle représente une séance complète
menée en 1958 devant une caméra par le Dr Erickson sur un jeune
anglais, visiblement étudiant à la prestigieuse université de
Cornell, dans l'état du New York, USA. L'enregistrement est mené à
l'Université de Stanford, Palo Alto (Californie) par l'équipe des
célèbres John Weakland et Gregory Bateson.
Le patient se présente comme souffrant
de dépression. C'est sa deuxième séance avec le Dr Erickson.
Je ne vais pas faire une analyse
détaillée de la séance car cela prendrait de très longues pages
et n'intéresserait probablement que moi. D'autant qu'il est toujours
délicat de décortiquer une séance, tant l'analyse demeure
subjective et limitée par les biais d'interprétation de celui qui
s'en rend coupable. Cela pourrait en outre faire l'objet d'un
séminaire de travail entier.
Je souhaite simplement apporter un
éclairage sur les grandes lignes de la stratégie.
Une pédagogie des stratégies
mentales
Tout d'abord, pour comprendre la
démarche thérapeutique d'Erickson, il faut se souvenir qu'il
insiste en permanence sur le fait que l'hypnose ne sert pas à
« dresser l'inconscient », mais à apprendre à une
personne, consciemment, quelque chose qui lui fait défaut. C'est une
pédagogie de l'inconscient et du conscient. L'hypnose ne sert pas à
exiger de la personne qu'elle aille mieux, mais sert à créer une
expérience, une épreuve, qui permette à la personne de comprendre,
d'apprendre, ce qui lui est nécessaire pour ensuite aller mieux, par
elle-même. C'est l'essence de l'approche indirecte, stratégique,
développée par Erickson.
Erickson insiste bien souvent sur
l'importance de considérer l'hypnose comme le terrain d'une
répétition. Non pas au sens de répéter les choses, mais au sens
où, par exemple, un orchestre répète avant un concert, une troupe
de théâtre répète avant la représentation (« rehearsal »,
en anglais).
L'état d'hypnose et les hallucinations
partielles ou absolues qu'il permet offrent au sujet entraîné la
possibilité de vivre virtuellement quelques expériences répétées
d'apprentissage qui s'ancrent beaucoup plus puissamment que si on
avait passé un mois à « se forcer » dans notre état
ordinaire.
Ainsi, si on veut « s'ouvrir à
une autre façon de voir les choses » (recadrage), rien de tel
que quelques exemples accompagnés, en hypnose, afin de bien
continuer par soi-même.
Or, dans cette vidéo, le Dr Erickson
accompagne son patient à travers la répétition de plusieurs traits
cognitifs qui semblent lui faire défauts :
Le verre à moitié plein
Le patient est probablement parvenu à
un point où son activité quotidienne ne lui procure plus
d'enthousiasme. On déduit des éléments de cette séance qu'il
ressent insatisfaction et frustration. Erickson lui apprend donc à
trouver de l'intérêt « derrière » ce qui semble ne pas
en avoir. Pour cela, il lui fait halluciner un tableau de
statistiques qui révèle, « derrière », quelque chose
d'intéressant et d'agréable qui implique du mouvement et de
l'activité. De même, après lui avoir fait halluciné des montagnes
froides et rudes, il va lui apprendre à laisser cette vision se
transformer en courbes et devenir une vision plus agréable.
L'affirmation de soi
Le
patient semble avoir une vision très globale et plutôt floue des
choses. Son point de vue n'est pas immédiatement clair et tranché.
Probablement que cet excès d'indécision contribue à sa dépression.
Erickson l'accompagne donc dans différentes expériences
d'hallucination en le poussant à affirmer son opinion sur des
détails comme une couleur, une forme, etc... Il lui apprend à avoir
une « vision précise ». Mais encore, il l'incite à
avoir des préférences et suggère plusieurs fois l'affirmation d'un
point de vue tranché. En même temps, et paradoxalement, il
l'accompagne dans une façon d'ouvrir son regard et d'envisager des
angles nouveaux. Ces deux attitudes ne sont pas incompatibles en
réalité.
Devenir conscient des mécanismes
inconscients
Le patient dépressif subit,
évidemment, l'influence d'un réseau de suggestions qui lui font
voir les choses négativement. C'est un biais cognitif négatif. En
gros, lorsqu'il interprète une situation, son point de vue est
biaisé par des influences inconscientes qui se sont glissées en lui
au préalable, notamment ses croyances passées sur le monde. C'est
là le propre du jugement humain.
Or, Erickson veut faire prendre
conscience à son patient de cet état de fait et l'entraîner à
détecter la façon dont il est influencé. Il lui apprend à prendre
conscience des schémas négatifs dans lesquels il se laisse
passivement guidé afin d’aiguiser sa résistance.
Pour se faire, Erickson propose
plusieurs expériences d'associations d'idées. Ensuite, il invite
son patient à remonter le fil de ses associations pour observer
comment sa pensée a glissé d'une idée à une autre. Puis, il
démontre à son patient que ces glissements étaient en parties
autonomes et en partie aussi influencés par des suggestions subtiles
données par Erickson lui-même. Par exemple, le patient évoque une
mer agitée. Et Erickson lui montre que l'action combinée d'une
suggestion directe d'imaginer quelque chose de désagréable, et
d'une suggestion subliminale, le balancement de son corps d'avant en
arrière, ont fait émergé chez le patient l'idée de la mer, des
vagues, et d'une intempérie en mer. (Erickson a décrit dans un
article son étude de l'induction du mal de mer par le balancement de
la voix dans l'accompagnement hypnotique).
En lui révélant « le truc »,
il lui apprend à le reconnaître. Il rend conscient quelque chose
d'inconscient, non pas par l'explication théorique, mais par la
démonstration incontestable.
Erickson met en place une véritable
pédagogie de la résistance (à la suggestion) en même temps qu'il
l'incite, à ne pas exercer cette résistance durant cette séance
avec lui, en qui il peut avoir entièrement confiance, et qui « ne
lui cachera rien ». Dés le départ, en mettant à jour le
« truc » de la vitre sans tain, et à travers toutes les
autres expériences proposées, il n'a de cesse que de lui montrer
qu'il ne veut pas le piéger, mais qu'il est « de son côté »,
ne lui cachera rien, ne le trahira pas, et qu'il peut lui faire
entière confiance. C'est nécessaire pour développer les
hallucinations et les régressions totales qui viennent ensuite.
La fierté
Et il y a une autre dimension encore :
il incite le sujet à être fier de sa capacité à suivre des
suggestions subtiles et imperceptibles et à les exécuter
brillamment et naturellement. C'est une façon de lui faire garder la
face : plutôt que le patient se dise qu'Erickson le balade et
le manipule, il peut être fier d'être capable de réagir à des
suggestions indirectes. Or, nous verrons comment toute cette séance
est un apprentissage de la fierté. Ainsi, il l'encourage aussi à
entrer plus spontanément dans l'expérience hypnotique, et notamment
à développer des hallucinations et des régressions plus complètes.
Et il lui dit, indirectement, qu'il
pourra plus tard se laisser influencer positivement par le travail de
cette séance, sans avoir à en être conscient, c'est-à-dire qu'il
suggère par avance l'amnésie qui se développe à la fin. En effet,
toute cette séance pourra, plus tard, constituer une influence
positive, mais parfaitement subliminale, sur son comportement
spontané.
L'entraînement laborieux à la
pensée positive, et à l'humanisation
Comme
nous l'avons dit, le patient a une tendance au négatif. Sa
pensée suit un schéma (pattern) d'associations qui le renvoie
systématiquement vers une vision négative.
La première expérience d'association
d'idée consiste donc pour Erickson à amener le patient à une
expérience négative (la mer agitée). Ainsi, il va d'abord dans son
sens, pour mettre en évidence son mécanisme. On appelle cette étape
la « ratification ». L'autre le suivra bien volontiers
dans cette tâche.
Puis il peux passer à
l'apprentissage : inciter le schéma associatif à se diriger
vers des évocations agréables. Il tente, en évoquant une montagne,
de lui faire penser à une femme. Mais l'expérience échoue d'abord
puisque le sujet voit un livre traitant de la guerre. Rien de plus
normal à ce que le patient ne réussisse pas du premier coup. Il
n'aurait pas de problème sinon.
Erickson insiste pour l'orienter vers
une association agréable. Le patient inclut des « filles »
à son expérience mais qui reste centrée sur la guerre. Erickson
tente de lui faire remonter le fil de ses associations afin que le
patient réalise la suggestion qui se cachait derrière la
description de la montagne, mais sans lui révéler la solution. Le
patient donne de nombreuses explications de la relation d'association
d'idées qui l'a fait passé des montagnes à un building londonnien,
de ce building à un night club, à une crème glacée et son
étiquette, à l'Autriche, et à la guerre. Il finit par donner un
autre lien par le bronzage d'un homme. Erickson pousse son patient,
l'amène à accoucher de détails, de nouveaux liens, d'une
expérience de plus en plus riche et précise, et qui inclut de plus
en plus d'humains. En effet, un des schémas naturels du sujet
(métaprogramme) consiste à créer des associations sur des objets,
des images, mais sans sujets humains. Erickson le pousse
littéralement à inclure la possibilité d' « objets
animés », et parvient, avec l'idée des soldats et des filles,
puis de l'individu bronzé, à un premier résultat.
Tout cet exercice a aussi (et surtout)
une valeur de discours explicatif préalable : ce que tu penses
ou ressens est une synthèse de souvenirs, de croyances implantées
et développées dans le passé par diverses influences. Cette
synthèse se construit au présent par résonance.
Cette explication permet au sujet
d'intégrer l'étape que nous allons voir ensuite : comprendre
que sa dépression est liée à une mauvaise résonance au passé, et
qu'un travaille en régression sur le passé pourra avoir une
influence subtile et discrète sur la façon dont il vivra l'instant
présent, dans l'avenir.
Mais plutôt que d'expliquer tout cela
de façon théorique ou professorale, Erickson le suggère longuement
à travers ces expériences concrètes, préparant le terrain au
travail central de changement mieux que n'importe quel « pre-talk ».
Vers la régression
C'est alors qu'en lui demandant la
date, Erickson entérine cette surfocalisation comme un début de
régression qu'il développe subtilement par la suite. Le sujet est
désorienté, totalement plongé dans un ailleurs, dans des
souvenirs, c'est alors qu'en lui demandant la date, Erickson entérine
cette surfocalisation comme un début de régression qu'il développe
subtilement par la suite. Rien de plus facile que de le faire
basculer entièrement dans cette époque antérieure, à l'aide de
quelques questions subtiles.
Et cette régression à l'époque où
il skiait lui permet d'envisager l'avenir (qui est donc le passé
pour la situation réelle). Et notamment d'envisager son futur choix
d'université.
On peut considérer à partir de là
que les exercices précédents, bien que utiles pour eux-mêmes et
important dans la thérapie, constituent une phase d'induction d'un
état à partir duquel un recadrage peut être mené. Et c'est à ce
moment précis que finit l'induction (la préparation) et que
commence la suggestion centrale.
Une nouvelle « ancienne
croyance »
La partie qui suit, sur les
universités, s'avère le cœur de la séance.
Le patient semble bloqué au présent
par une inadéquation avec une croyance passée : dans le passé,
il avait une connaissance limitée de ce qu'étaient les bonnes
universités, et pour lui, le succès passait par le fait d'intégrer
une des trois grandes universités britanniques. Cette croyance basée
sur l'ignorance s'est pourtant ancrée, et nous le voyons quand,
régressé huit ans auparavant, Erickson l'interroge sur la question.
Son premier réflexe est d'exprimer une évidence : j'irai à
l'Université de Londres.
Le patient régressé ne sait pas
encore ce que nous savons : qu'il ira à l'Université de
Cornell, USA.
En 48, il avait une croyance
(limitative) par rapport à son avenir. Il croyait qu'en 52, il irait
à l'Université de Londres.
Maintenant, nous sommes en 1958, et il
est à Cornell. L'instant présent vient trouver, au fond de lui, une
dissonance par rapport à son ancienne anticipation de l'avenir. Ca
ne colle pas. La réalité n'est pas négative en elle-même (Cornell
est une université prestigieuse et son chemin de vie se passe très
bien), mais elle est négative dans le sens où elle n'accomplit pas
les projets anciens figés dans son inconscient tels des suggestions
à retardement.
Or, il s'agit là d'un mécanisme très
répandu de conflit intérieur, tout-à-fait possiblement à
l'origine d'une dépréciation de soi, et d'une dépression.
Aujourd'hui, il « sait » de
façon purement intellectuelle que Cornell est une université
prestigieuse, Mais cela ne cadre pas avec sa représentation passée,
ce qui, au lieu de provoquer un sentiment de fierté, provoque une
insatisfaction.
On rencontre souvent, par exemple,
des personnes qui se sont fabriqué dans leur enfance l'idée (la
croyance) qu'un adulte ne peut pas être heureux et épanoui, soit
par qu'il auront eu un tel modèle, ou bien qu'on leur aura suggéré.
Et arrivé à l'âge adulte, disposant de toutes les conditions
matérielles et objectives pour être parfaitement heureux, ils sont
confrontés à un conflit interne, et se retrouve sous l'empire de
cette ancienne croyance qui « refuse » de les laisser
profiter pleinement de leur bonheur d'adulte.
Ce schéma d'inadéquation entre le
présent et l'anticipation faussée qu'on en faisait, et qui devient
une inadéquation entre « ce que je sais » et « ce
que je ressens », est un classique du genre.
Erickson insiste très souvent sur
l'importance d'enseigner au sujet la satisfaction personnelle et la
fierté.
Ici, il opère d'une façon très
fine : régressé en 1950, il l'interroge, comme nous l'avons
dit, sur les universités prestigieuses. Et, sans jamais lui imposer
quoi que ce soit, le pousse par des questions neutres, à élargir sa
pensée aux universités en dehors de Londres, puis, hors du
Royaume-Uni, et à considérer Cornell comme l'une des universités
prestigieuses qui pourront, pour plus tard, constituer une option
synonyme de succès et de fierté.
En 1950, par ignorance, il n'avait pas
pu envisager ce chemin. Erickson le ramène en 1950, brise sa
fermeture d'esprit par un questionnement très peu invasif (afin que
le sujet n'ait jamais l'impression qu'on le force à voir les choses
ainsi). Et il l'incite à envisager plein de chemins, dont celui
qu'il prendra. Evidemment, Erickson a une longueur d'avance sur le
patient régressé, puisque lui sait ce qu'il deviendra. Et c'est
pourquoi il doit savoir l'inciter subtilement à envisager cet
avenir, sans le lui révéler.
Ainsi, en revenant en 1958, sa
situation réelle pourra résonner avec le souvenir (créé en
hypnose) qu'il pourra être parfaitement heureux et épanoui en
étudiant aux Etats-Unis, et particulièrement à l'université de
Cornell. Sa situation actuelle sera en parfait accord avec ses
représentations profondes du succès et du bonheur et il pourra en
tirer de la fierté.
Cette procédure est bien connue des
thérapeutes « ericksoniens » et est enseignée dans les
formations d'hypnothérapie parmi les différents usages de la
régression hypnotique, notamment dans le travail sur la dépression.
Il s'agit d'un type très particulier de recadrage (reframing).
La parenthèse
Immédiatement
après cette phase de travail, Erickson réoriente le sujet vers
l'exercice d'associations, vers les montagnes, la boite de crème
glacée, etc... Ainsi, il semble fermer une parenthèse.
Cela favorise
l'amnésie sur cette partie essentielle. Erickson insiste souvent sur
l'importance de noyer la suggestion post-hypnotique (celle qui
s'avèrera directement utile pour l'avenir) dans un flot d'exercices
de suggestion valables au présent afin que la personne l'oublie
consciemment et qu'elle continue son effet à un niveau inconscient.
Cette interrogation
sur les universités, cette projection dans l'avenir, semble anodine,
semble être une petite pause avant de revenir à l'effort de pensée
de l'exercice difficile des associations. En réalité, c'est une
façon de faire diversion, comme peuvent le faire les
prestidigitateurs, afin que, après la séance, si le sujet se
demande « qu'avons-nous fait d'essentiels », sa mémoire
ne s'oriente pas spontanément vers cette partie discrète de la
séance. Et ainsi, il ne viendra pas la déconstruire consciemment.
L'exercice
d'association s'avère rapidement un succès, par la suite. Sa pensée
s'oriente beaucoup plus rapidement vers l'humain, vers un individu,
vers une fille. Ce qui avait été commencé est fini ici. Erickson
emploie ici la même méthode que lorsqu'il commence à serrer la
main d'une personne, s'interrompt pour faire tout un ensemble de
suggestions, puis termine de serrer la main « comme si de rien
n'était ».
Apprendre la fierté dés le plus
jeune âge
Mes réactions au
présent sont une résonance par rapport à des expériences passés
multiples qui résonnent elle-même par rapport à mes expériences
les plus fondatrices de l'enfance.
Erickson régresse
donc son patient à l'âge de neuf an pour lui apprendre à être
fier. Le patient exprime que son père lui rappelle sans cesse qu'il
ne grandira pas. Avec humour, Erickson, qui fait ici autorité,
contredit son père en lui affirmant au passage, l'air de rien, qu'il
grandira bel et bien. Puis, il le ramène immédiatement à l'instant
présent pour le réveiller parfaitement de l'hypnose.
Il le réoriente
immédiatement vers des choses anodines, « thanksgiving »...
La suggestion d'après l'hypnose
L'instant qui suit
immédiatement le réveil de l'hypnose est particulièrement propice
à des suggestions thérapeutiques. Dans son style indirecte et
métaphorique unique, Erickson encourage son patient à ne pas être
frustré ni déçu, en faisant preuve d'un fort « appétit »,
en saisissant les opportunités, en prenant pour lui ce qui lui
revient, etc...
Aussitôt après,
Erickson teste le degré d'amnésie, faisant comme si l'hypnose
n'avait pas eu lieu, afin de ne surtout pas gâcher une telle amnésie
si elle avait eu lieu. Ca n'est pas le cas : le patient se
souvient d'avoir été hypnotisé et du tout début de la séance.
Cela suffit pour semble indiquer que l'essentiel, qui pourtant ne
semblait pas le moment le plus impressionnant, a bien été oublié...
consciemment.
La technique
Je me suis contenté
ici de donner quelques éclairages sur les grandes lignes du déroulé
de la séance. Evidemment, cela ne dit pas « comment »
il s'y prend pour réaliser cet accompagnement particulièrement
fluide. Une analyse très détaillée de la séance permet de mettre
en évidence une grande quantité de « trucs », d'outils,
de techniques, très utiles, élégants, efficaces. Mais ces
techniques peuvent seulement faire l'objet d'une formation en bonne
et due forme, d'un séminaire ou d'une analyse écrite, réservés à
l'usage des hypnologues professionnels.
Cela dit, toute
personne curieuse d'apprendre les secrets de la communication
hypnotique d'Erickson pourra faire un usage studieux de cette
démonstration filmée et de sa transcription pour découvrir les
détails cet art.
*Transcription tirée
de l'ouvrage traduit en Français :
Dr Erickson : Vous savez,
une chose m’intrigue : ce miroir sans tain. Je pense que je
préfèrerais que quelqu’un allume une cigarette… Avez-vous
remarqué cela ?
Patient : Hmm Hmm.
Dr Erickson : Quiconque se
sert d’un miroir sans tain devrait faire attention à cela. Et je
me demande si André réalise que (pause) vous pouvez voir cela. Et
vous savez, lorsque vous entendez parler du travail expérimental
qu’ils font ici, sont-ils conscients du fait qu’ils peuvent se
trahir à travers un miroir sans tain. Vous souvenez vous de la
première fois que nous nous sommes rencontrés ? Nous n’étions
pas assis tout à fait dans cette position. J’étais à votre
gauche, n’est-ce pas ?
Patient : A ma droite.
Dr Erickson : Et c’est
cela, à votre droite. Et voyons. Il y avait Hilgard, légèrement à
gauche de la pièce.
Patient : Oui
Dr Erickson : Dans la même
position, globalement que celle où Bateson se trouve à l’instant.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je ne me
rappelle pas du tout où étaient les autres, mais ils étaient
éparpillés tout autour de nous. Ils étaient plutôt silencieux, et
ils écoutaient ce que j’avais à vous dire. Et l’une des choses
que je vous ai mentionnées, c’est cette question de vous
ressentir, vous rappelez-vous ?
Patient : Oui, je m’en
souviens, oui.
Dr Erickson : Et tandis que
vous vous souvenez de cela, vous rappelez précisément de ce qui
vous est arrivé comme vous vous le rappeliez ? (pause) C’est
cela. Vous vous êtes senti aller en transe, comme vous vous le
rappelez, tout comme vous vous sentez aller en transe maintenant. Et
je voudrais que vous vous sentiez dans une position différente, dans
une position différente dans cette pièce que celle dans laquelle
vous êtes maintenant. Et fermez les yeux, et dormez profondément,
et sentez-vous dans une position différente dans cette pièce, comme
si vous étiez assis de façon quelque peu différente. Et Gregory
est toujours là-bas, en train d’actionner cela. [c'est-à-dire, en
train d’actionner la caméra], et je voudrais que vous vous sentiez
aller de plus en plus profondément en transe. Je me demande ce que
vous auriez envie de faire dans cet état de transe. Vous faisiez de
la recherche, je crois, sur les primates.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je
voudrais que vous pensiez à cela, et ensuite je voudrais que vous
vous demandiez quel autre sujet pourrait se présenter, et je me
demande si vous auriez envie de regarder pas là, par là. Et je me
demande quelle visualisation vous pourriez obtenir en regardant par
là. Je me demande si vous pourriez voir un film ou une sorte
d’écran.
Patient : Je peux voir un
écran, là-bas.
Dr Erickson : Vous pouvez
voir un écran. J’aimerais que vous voyiez une bande de
statistiques sur cet écran, et j’aimerais que vous vous demandiez
ce qu’elles représentent. Elles n’ont probablement pas d’intérêt
particulier, et ensuite j’aimerais que vous voyiez quelque chose
derrière ces statistiques. Quelque chose d’intéressant ;
quelque chose d’agréable. C’est cela. Et commencez à voir
quelque chose d’agréable et d’intéressant. Très agréable et
très intéressant, qui implique du mouvement et de l’activité.
C’est cela. Du mouvement et de l’activité – lesquels se
transforment en quelque chose d’autre qui est moins plaisant, un
peu désagréable. Et cela continue et je voudrais que vous me disiez
quelles sensations ce mouvement vous donne. Qu’est ce que ce
mouvement vous semble être ?
Patient : J’ai vu
quelqu’un courir. Il a arrêté de courir et il est sur le sol.
Dr Erickson : Il est sur le
sol. Et maintenant, le sol disparait. C’est un autre type de
mouvement, mais c’est un espace.
Patient : Il tombe.
Dr Erickson : Il tombe.
Oui ?
Patient : Vers le bas. Il
descend.
Dr Erickson : Et vers le
bas. Et cela ne va pas vous effrayer maintenant. Et maintenant, je
voudrais que vous transformiez cette visualisation en quelque chose
d’autre. Je voudrais que vous découvriez quelque chose
d’entièrement différent. Je voudrais que vous découvriez que
votre compréhension de « oui » et « non »
a changé. Que maintenant en hochant la tête vous signifiez…
Patient : « non. »
Dr Erickson : Et qu’en
secouant la tête vous dites…
Patient : « oui. »
Dr Erickson : Êtes-vous
sûr de comprendre cela ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Très bien.
Et combien de temps pensez-vous être capable de réaliser et de
comprendre cela ?
Patient : Aussi longtemps
que vous le direz.
Dr Erickson : Aussi
longtemps que je le dirais.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Très bien.
Et que voyez-vous ?
Patient : Je vois des
vagues sur la plage.
Dr Erickson : C’est cela.
Et vous voyez des vagues sur la plage. Savez-vous comment il se fait
que vous voyiez ces vagues sur la plage ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Aimeriez-vous
le savoir ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant,
je vais vous parler et je voudrais que vous m’accordiez un petit
peu d’attention. Pendant que je vous parle, savez-vous comment il
s’est trouvez que vous voyiez les vagues sur la plage ? il
s’est trouvé que vous avez compris cela maintenant et je suis
toujours en train de vous parler, et vous voyiez les vagues sur la
plage. Et savez-vous maintenant ? [pause] Et vous ne savez pas,
qu’est ce que les vagues sont en train de faire.
Patient : Elles roulent,
elles s’écrasent sur les rochers là-bas.
Dr Erickson : Oui, et que
ferait un bateau si un bateau se trouvait sur l’eau ?
Patient : Ce serait très
agité [difficile].
Dr Erickson : Oui, et que
ferait-il ?
Patient : Il se
balancerait…
Dr Erickson : Il se
balancerait d’avant en arrière, n’est-ce pas ?
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Et je vous ai
dit de voir une scène qui implique un mouvement. Vous avez vu une
course qui s’est arrêtée. Et ensuite vous avez vu une chute. Et
ensuite je vous ait dit de voir un espace. Et maintenant, après que
vous avez vu un espace, il s’est transformé en eau avec des
vagues. Plus rapides que mes mouvements, c’est bien ça ?
Patient : Hmm hmm, oui.
Dr Erickson : Mais
voyez-vous comment il s’est fait que je vous ai amené à trouver
cette eau et ces vagues ? [Pause]Bien ? Maintenant, la
première chose que j’ai faite a été de développer un mouvement,
et pas un mouvement agréable. C’est bien cela ? [Pause] J’ai
suggéré un mouvement et ensuite quelque chose de pas tellement
agréable. Vous rappelez vous ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et vous ne
l’avez pas tellement apprécié, n’est-ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Et j’ai
continué à me balancer d’avant en arrière, de cette façon et
ensuite je vous ai fait voir un espace, et ensuite vous avez vu un
mouvement rapide, le balancement des vagues, le fracassement des
vagues, d’avant en arrière. Mais j’avais donné la connotation
d’un caractère désagréable, comme vous avez dit que l’eau
était agitée. Et ainsi vous avez fait concorder cette suggestion
indirecte, ou ne la reconnaissez vous pas comme une suggestion ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant,
oui ?
Patient : Je la vois comme
une suggestion, maintenant.
Dr Erickson : Vous la voyez
comme une suggestion, maintenant. Comment allons-nous la changer
maintenant, parce que nous n’avons plus besoin d’avoir le
ballotement de ces vagues ?
Patient : Quelque chose de
plus immobile.
Dr Erickson : Quelque chose
de plus immobile.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Par exemple,
hmm, de la neige au sommet d’une montagne. C’est plutôt
immobile, là-bas, n’est-ce pas ? C’est une journée
tranquille. C’est une vue magnifique, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Quelque chose
de très, très beau. Et ces proéminences montagneuses, et les
vallées. Et les lignes de montagnes contre l’horizon, et les
teintes ravissantes. Et maintenant pensez à autre chose qui soit
agréable. Et que voyez-vous ? C’est quelque chose de
différent, totalement différent. Et que voyez-vous ?
Patient : Je vois un livre.
Dr Erickson : Vous voyez un
livre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et où est ce
livre ?
Patient : Il est dans une
librairie.
Dr Erickson : Et qu’y
a-t-il dans le livre ?
Patient : Des mots.
Dr Erickson : Oui, quoi
d’autre ?
Patient : Il parle d’une
guerre.
Dr Erickson : Il parle
d’une guerre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Hmm, quelle
guerre ?
Patient : La dernière
guerre.
Dr Erickson : La dernière
guerre.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Hmm hmm. Et
quelle scène agréable vient à l’esprit, maintenant ?
Patient : Différentes
personnes dans une pièce.
Dr Erickson : Et qui sont
ces personnes ? Que sont ces personnes ?
Patient : Ce sont des
soldats et des filles.
Dr Erickson : Des soldats
et des filles.
Patient : Et ils dansent.
Dr Erickson : Et ils
dansent.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant,
comment êtes-vous passé des montagnes à une scène différente au
livre à la guerre aux soldats aux filles à la danse ?
Patient : Je suis descendu
des montagnes en Autriche.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Et il y avait des
signes de guerre.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Et cela a amené
la scène amère de la guerre.
Dr Erickson : Oui.
Patient : Dans une boite de
nuit, je pense, à Londres.
Dr Erickson : Hmm hmm. Et
maintenant, quelle partie de la scène dans cette pièce, quelle
partie de cette scène dans la pièce vous rappelle-t-elle plutôt
directement la scène de la montagne ?
Patient : Je pense le fait
que cette pièce est en haut d’un immeuble, nous avons dû monter
de nombreuses marches.
Dr Erickson : Oui, mais
qu’y avait-il dans cette pièce qui fait penser à la montagne ?
Maintenant, regardez chaque objet animé et inanimé dans la pièce
et regardez simplement tout cela.
Patient : Je vois. Il y a
une réclame pour de la crème glacée. Et sur cette réclame il y a
un montage dessiné en blanc et bleu pâle.
Dr Erickson : Et c’est
pour cette raison ?
Patient : Je pense, oui.
Dr Erickson : Maintenant,
que dit la réclame ?
Patient : Elle dit :
« achetez la crème glacée Wall. »
Dr Erickson : Et
maintenant, où est cette réclame ?
Patient : Sur le comptoir,
au fond de l’endroit où l’on sert à manger.
Dr Erickson : Et où se
trouve cette pièce, réellement ?
Patient : Elle se trouve à
Londres.
Dr Erickson : Elle se
trouve à Londres.
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : [Pause] très
bien. Maintenant qu’y a-t-il d’autre dans la pièce de très
différent qui vous rappelle les montagnes ? Animé ou inanimé.
Patient : Il y a là une
personne qui semble très bronzée.
Dr Erickson : Oui ?
Patient : Peut-être est-il
allé skier à la montagne, je ne sais pas.
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Patient : C’est possible.
Dr Erickson : C’est
possible. D’accord.
Patient : [Pause] il a un
bronzage que l’on obtient que lorsque qu’on skie à la montagne.
Dr Erickson : Cette
combinaison de bronzage et de hâle dû au vent ?
Patient : Oui, c’est tout
à fait cela.
Dr Erickson : Tout à fait
cela [Pause]. Et en quelle année est-ce ?
Patient : 1948, je pense.
Dr Erickson : Et qui
suis-je ?
Patient : Vous êtes la
personne à table avec laquelle je parle.
Dr Erickson : C’est cela.
Et peut-être nous rencontrerons-nous à nouveau.
Patient : Peut-être.
Dr Erickson : On ne sait
jamais.
Patient : Non.
Dr Erickson : Et
qu’aimeriez vous faire en 1950 ?
Patient : Peut-être aller
skier avec vous ? Peut être cela ?
Dr Erickson : Je pense que
ce serait intéressant. Et où pensez vous que nous pourrions aller
skier ?
[Inaudible à cause d’un bruit]
Dr Erickson : Ce serait un
bel endroit ?
Patient : Je pense, oui.
Dr Erickson : Depuis
combien de temps skiez-vous ?
Patient : Oh, quatre ou
cinq ans environ.
Dr Erickson : Vous aimez
vraiment ?
Patient : Beaucoup, oui.
Dr Erickson : Et en 1952,
que pensez vous que vous ferez ?
Patient : En 1952
j’essaierai d’entrer à l’université, je pense.
Dr Erickson : Ah oui ?
Patient : Je pense.
Dr Erickson : Et dans
quelle université pensez-vous essayer d’entrer ?
Patient : Londres, bien
sûr.
Dr Erickson : Londres, bien
sûr.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Eh bien, il y
a d’autres universités, n’est-ce pas ?
Patient : Oui, je suis
d’accord [rire bref].
Dr Erickson : Combien
d’autres universités y a-t-il, selon vos critères ?
Patient : C'est-à-dire,
pour ce qui est de l’Angleterre, il n’y en a pas beaucoup.
Dr Erickson : Ah bon ?
Patient : Eh bien, il y en
a à peu près trois en Angleterre, c'est-à-dire Oxford, Cambridge
et Londres.
Dr Erickson : Oui ?
Mais vous avez mentionné le mot « ailleurs. »
Patient : Eh bien, j’étais
d’accord sur le fait qu’il y a des universités en dehors de
l’angleterre.
Dr Erickson : Oh, vous êtes
d’accord avec cela ? Et où pourrais-je penser qu’il y a des
universités ?
Patient : Je ne sais pas.
Je pense que les bonnes universités se trouvent en Angleterre.
Dr Erickson : Oui, j’ai
lu cela. Effectivement, je le pense.
Patient : Eh bien, où
pourriez-vous dire qu’il y a de bonnes universités ?
Dr Erickson : Eh bien Où
pourrais-je dire qu’il y a de bonnes universités ?
Patient : Vous pourriez
dire en Amérique, vous pourriez dire en Allemagne, vous pourriez
dire en France.
Dr Erickson : Et
pourrais-je dire en Allemagne ?
Patient : Oui vous pourriez
dire en Allemagne.
Dr Erickson : Je pourrais
dire en Allemagne, mais le ferais-je ?
Patient : Heu eh bien, cela
dépend de votre sensibilité sur ce sujet, je pense.
Dr Erickson : Et dirais-je
en France ?
Patient : Je ne vois pas
pourquoi vous ne le feriez pas.
Dr Erickson : Vous avez des
idées biens arrêtées sur le sujet, n’est-ce pas ?
Patient : Peut-être. Je
veux dire, ce n’est pas précisément l’époque où les
universités se portent au mieux dans ces pays, mais
Dr Erickson : Et où se
porteraient-elles au mieux ?
Patient : Euh, en
Angleterre et en Amérique en ce moment, je suppose.
Dr Erickson : Hmm hmm. Où
cela en Amérique ?
Patient : A Harvard,
particulièrement.
Dr Erickson : A Harvard,
particulièrement. Où encore ?
Patient : A Yale. Kornell.
Ce sont les seules dont on entend parler, bien que j’entende dire
qu’il y en a beaucoup d’autres…
Dr Erickson : Sans aucun
doute, il y en a beaucoup d’autre. [Pause] Les panoramas des
montagnes sont magnifiques, n’est-ce pas ?
Patient : Ils sont
magnifiques.
Dr Erickson : Et skier est
très plaisant.
Patient : Oui.
Dr Erickson : et si vous
deviez choisir une université en Amérique, où iriez vous ?
Patient : Euh… en
cherchant, j’en choisirais une près des montagnes.
Dr Erickson : Où, par
exemple ? [Pause]
Patient : Je ne sais pas.
Il n’y a pas trop de montagnes à Kornell je pense.
Dr Erickson : Il y a des
lacs.
Patient : Mais on ne peut
pas skier sur des lacs.
Dr Erickson : Non, on ne
peut pas.
Patient : Je pense qu’il
faudra que j’essaye quelque part à l’ouest mais je ne les
connais pas très bien pas là-bas.
Dr Erickson : Pourquoi, y
a-t-il des montagnes là-bas ?
Patient : Il y a des
alpinistes, je pense.
Dr Erickson : Et
maintenant, changeons d’endroit, disons qu’il y a une montagne
juste là, une vue de montagne et je voudrais que vous voyiez tout
cela au loin [pause] Et maintenant, octobre approche et les feuilles
changent de couleur et je voudrais que vous voyiez que cette montagne
symbolise quelque chose. Qu’elle symbolise quelque chose qui se
trouve devant cette réclame de crème glacée [pause] et que
voyez-vous ?
Patient : Je vois quelque
chose de plutôt froid, d’austère, quelque chose de très tranche.
Dr Erickson : Et les
contours de cette vue de montagne changent, et les ombres changent,
jusqu'à ce que vous puissiez voir plus clairement ce que c’est.
Patient : Je vois une
fille.
Dr Erickson : Vous voyez
une fille.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Oui.
Patient : [pause] Et elle
est assise ici au comptoir, et elle me parle.
Dr Erickson : Oui ? Et
comment elle est habillée ?
Patient : Elle porte du
vert foncé. Elle a des cheveux très noirs, ondulés.
Dr Erickson : Et ses
joues ? Et son cou ?
Patient : Je pense
qu’olivâtre serait le terme qui conviendrait le mieux.
Dr Erickson : Hmm hmm.
Comment avez-vous vu son visage et son cou pour la première fois ?
Patient : Olivâtre,
absolument.
Dr Erickson : Est-ce ainsi
que vous les avez vus pour la première fois ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et que
vouliez vous dire par froid ?
Patient : Eh bien, c’était
plus l’expression sur son visage, je pense.
Dr Erickson : L’expression
sur son visage ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Maintenant,
comment êtes vous passé de cette montagne et de la réclame pour de
crèmes glacés à une fille ?
Patient : [pause]
principalement à travers le symbolisme, parce que dans le symbolisme
j’ai, vu un grand nombre des qualités qu’elle avait.
Dr Erickson : Quelles
étaient ces qualités ?
Patient : Des qualités
d’indépendance.
Dr Erickson : Et vous
rappelez-vous les mots que j’ai employés en décrivant cette
montagne de départ ?
Patient : Quelque chose qui
se tient debout tout seul.
Dr Erickson : Tout seul.
Patient : Juste cette
montagne.
Dr Erickson : Et de la
neige au sommet.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Et
silencieux. Et pas de mouvement ?
Patient : Absolument.
Dr Erickson : Et ensuite
des lignes ?
Patient : Hmm hmm.
Dr Erickson : Je n’ai pas
parlé de courbes, n’est ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Non, je ne
l’ai pas fait.
Patient : Non, je ne le
pense pas.
Dr Erickson : Non, je ne
l’ai pas fait. J’ai fait très attention d’éviter ce mot,
« courbes » et j’ai dû vous donner le temps de
construire cette suggestion originale parce que je voulais que vous
voyiez cette montagne se transformer en courbes, et en lignes, sans
prononcer le mot « courbes ». [pause] Et le froid et
l’immobilité, et la neige. Et tout seul et ensuite, les lignes qui
pouvaient changer, et les teintes et les couleurs, et c’est
l’automne.
Patient : Oui.
Dr Erickson : Vous voyez,
maintenant ?
Patient : Oui, je vois.
Dr Erickson : N’êtes-vous
pas content de votre capacité de déceler ces petits signaux ?
Moi, je le suis. Je pense que c’est merveilleux quand vous faites
cela. Et je pense : « la Montagne d’André
White. » Qui est-ce ? [pause] Vous ne le savez pas
vraiment, n’est-ce pas ? Qui suis-je ?
Patient : Vous êtes la
personne avec laquelle je parle à cette table.
Dr Erickson : C’est cela.
Et en quelle année sommes-nous ?
Patient : En 1950.
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Et souhaiteriez vous faire l’expérience d’un changement de
temps ? C’est une conversation curieuse, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Cela ne vous
dérange pas, n’est-ce pas ?
Patient : Non.
Dr Erickson : Il serait
intéressant de faire l’expérience d’un changement de temps ?
Patient : Je le pense.
Dr Erickson : Nous lisons
cela dans les livres de science fiction et nous y pensons dans notre
imaginaire, et nous l’avons dans nos rêves. Et dans nos rêves
nous pouvons rêver que nous sommes de petits enfants. [Pause] Et je
peux rêver cela et vous pouvez rêver cela. Et dans le rêve, vous
vous sentez être un petit enfant, et vous percevez comme un petit
enfant. C’est cela. [pause] Et comment t’appelles-tu ?
Patient : Gordon.
Dr Erickson : Et quel âge
as-tu Gordon ?
Patient : Neuf ans.
Dr Erickson : Et qui
suis-je ?
Patient : Je ne sais pas.
Je ne vous ai jamais rencontré.
Dr Erickson : Tu ne m’as
jamais rencontré ? D’accord. Je suis l’ami de personnes que
tu connais très bien. Peut-être peux-tu deviner qui.
Patient : M. Morrissey ?
Dr Erickson : Et quelqu’un
d’autre ?
Patient : John.
Dr Erickson : Tu devines
vraiment bien, n’est-ce pas ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Ça ne te
fait pas plaisir ?
Patient : Si, bien sûr
[petit rire]
Dr Erickson : C’est
agréable de deviner juste les deux premières fois, n’est-ce pas ?
Bien, qu’as-tu fait hier ?
Patient : Hier, je suis
allé à l’école.
Dr Erickson : Ah oui ?
Patient : Oui.
Dr Erickson : Est-ce que tu
t’y es plu ?
Patient : Non. Je suis
comme qui dirait pas très bon.
Dr Erickson : Pas très
bon.
Patient : Non.
Dr Erickson : Pourquoi ?
Patient : Eh bien, c’est…
j’ai peur de déclencher une bagarre avec les autres garçons, vous
savez ? [Petit rire]
Dr Erickson : Tu ne t’en
veux pas de cela, n’est-ce pas ?
Patient : Eh bien,
normalement, non, mais s’il avait perdu, je m’en serais voulu.
Dr Erickson : Hmm hmm. Eh
bien, tu sais, Gordon, un jour tu grandiras. Tu sais cela ?
Patient : Pas à en croire
ce que mon père ne cesse de me dire. [Petit rire]
Dr Erickson : Bon, mais tu
vas grandir. Tu sais, le temps change, regarde ma main. C’est
cela. Le temps change. Et les années passent, et très bientôt je
veux que tu te réveilles, parfaitement réveillé, aussi
parfaitement réveillé que tu le seras le 28 novembre 1958.
Maintenant, fermez les yeux et réveillez vous, aussi parfaitement
réveillé que vous le serez le 28 novembre juste avant d’aller
dîner. Bonjour. Bonjour. Bonjour…
Patient : Il fait chaud
sous ces projecteurs, mais autrement, tout à fait en forme.
Dr Erickson : Tout à fait
en forme.
Patient :
Hmm hmm.
Dr Erickson :
Hmm hmm ? Et qu’allez
vous faire pour thanksgiving ?
Patient : Sortir diner.
C’est le point essentiel.
Dr Erickson : Vraiment ?
Patient : Oui. [Rires]
Dr Erickson : C’est le
point essentiel, n’est-ce pas ?
Patient : Je sais que vous
avez une excellente fête de Thanksgiving. Nous ne la célébrons pas
en Angleterre, mais je pense que c’est une très bonne idée.
Dr Erickson : Et avez-vous
organisé les choses de sorte à avoir plusieurs invitations à
déjeuner le jour de thanksgiving ?
Patient : Non, juste celle
là. Je pense que celle là suffit.
Dr Erickson : Eh bien, je
peux me souvenir d’un de mes amis qui avait accepté une invitation
à déjeuner tôt, parce qu’ils avaient des projets, son hôte
était pris l’après midi. Ils l’avaient seulement invité à
onze heures pour un déjeuner de thanksgiving. Ses autres amis
l’avaient invité à quatre heures pour un déjeuner de
thanksgiving, il y est donc allé. Et ensuite, d’autres personnes
avaient un déjeuner tardif et il a mangé magnifiquement à chacune
de ces trois invitations.
Patient : C’est un petit
peu plus que ce que je peux faire, je pense.
Dr Erickson : Eh bien, vous
n’avez jamais essayé.
Patient : Je ne pense pas
que j’aimerais en essayer trois. Je pense qu’une suffit,
habituellement. Ou depuis l’année dernière, une était
certainement suffisante.
Dr Erickson : Eh bien, je
crois qu’un bon petit conseil, c’est de toujours prendre votre
seconde, troisième et quatrième portion en même temps que la
première. [rires] De cette façon il n’est pas possible d’être
frustré ou déçu.
Patient : C’est juste.
Dr Erickson : Au fait,
pensez vous que vous irez en transe cet après midi ?
Patient : Que j’irais en
transe cet après midi ?
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Patient : J’ai été en
transe.
Dr Erickson : Vous l’avez
été ?
Patient : Je suis certain
que je l’ai été, oui.
Dr Erickson : Pourquoi en
êtes-vous certain ?
Patient : Eh bien, je peux
me rappeler certaines des choses que j’ai faites.
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Et avez-vous observé Gregory ?
Patient : [rires] non, pas
Gregory là-bas. Mais il est ici et maintenant.
Gregory Bateson :
salut.
Dr Erickson :
[rires]… En oubliant cette
conversation.
Patient : C’est un type
tranquille.
Dr Erickson : Hmm hmm.
C’est plaisant de le voir travailler, n’est pas ?
Patient : Oui, absolument.
Dr Erickson : Voila qui lui
change les idées par rapport à ce dont vous et moi étions en train
de parler. [rires]
Gregory Bateson : Eh bien ?
Dr Erickson : Oh, il me
donne une sorte de signal, mais j’étais trop occupé pour prêtez
attention à ce que c’est.
Patient : Il a dit :
« eh bien » ou quelque chose comme ça, et je ne sais pas
très bien ce qu’il voulait dire par là …
Dr Erickson : Vous souvenez
vous quand vous êtes retourné en transe ?
Patient : Oui, je pense que
je peux me rappeler la plupart des choses.
Dr Erickson : Nous parlions
d’André et du fait de fumer, n’est-ce pas ? A travers le
miroir sans tain.
Patient : C’est cela,
oui, et que c’était bête de faire cela derrière un miroir sans
tain… [rires]
Dr Erickson : Eh bien, vous
avez même pensé qu’il ne faudrait même pas respirer derrière un
tel miroir.
Patient : Non, ne pas
bouger, assurément, je pense.
Dr Erickson : …complètement
réveillé, maintenant ?
Patient : Il me semble,
oui.
Dr Erickson : Vous en êtes
tout à fait certain ?
Patient : Oui, j’en suis
certain pour autant que je sache, oui.
Dr Erickson : Vous
commencez à avoir des doutes ?
Patient : [pause] Seulement
quelques doutes.
Dr Erickson : Hmm hmm ?
Très bien, eh bien, débarrassez-vous des doutes.
Patient : Très bien. [Rit]
si vous le dites. [Rires]
Dr Erickson : Eh bien, je
souhaiterais qu’ils viennent par ici pour nous faire savoir si nous
pouvons quitter ces sièges où il fait si chaud.
Patient :
Oui, sous ces lumières qui chauffent, quoi qu’il en soit. Il y
a du bruit dans le fond, là-bas.
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