Un document de 1990 signé Chertok et Michaud. En dehors de quelques commentaires bien creux et de démonstrations très maladroites montrant une pratique encore bien mal dégrossie, ce petit reportage très vieilli a le mérite de montrer les applications de l'hypnose et de ses effets psychosomatiques dans un usage médical d'une façon un peu plus explicative que beaucoup de reportages actuels.
Ceci est un blog : l'imprécision, l'erreur, le manque de rigueur, la subjectivité, le positionnement, le doute, la critique, la généralisation, l'exagération, les fautes de goût, les redondances, etc... n'y sont pas seulement acceptés mais vivement encouragés !
jeudi 31 octobre 2013
lundi 28 octobre 2013
Hypnose conversationnelle : un exemple d'Erickson
Milton Erickson, 1901-1980, USA |
L'extrait d'un article du Dr Milton Erickson intitutlé "L'hypnose profonde et son induction", 1952
"Les hypnotistes peu expérimentés ont tendance à essayer, au cours de l'induction de la transe, de diriger ou de contrôler le comportement du sujet pour qu'il soit conforme à leur conception de la façon dont un sujet "doit" se comporter. Il faut en ce domaine toujours minimiser le rôle de l'hypnotiste et mettre constamment en valeur le rôle du sujet.
On peut citer en exemple un sujet volontaire, qui servit plus tard à enseigner l'hypnose à des étudiants en médecine. Après une présentation générale de l'hypnose, elle manifesta le désir d'entrer en transe sur le champ. Je lui suggérai de choisir la chaise et la position qui lui sembleraient les plus confortables. Quand elle se fut installée à sa convenance, elle déclara qu'elle aimerait bien fumer une cigarette. On lui en donna une aussitôt et elle commença à fumer tranquillement, observant d'un air pensif les volutes de fumée. Sur le ton de la conversation, je lui fis quelques remarques sur le plaisir de fumer et d'observer les volutes de fumée, sur son sentiment de bien-être quand elle portait la cigarette à sa bouche, sur la sensation de satisfaction intérieure qu'elle pouvait éprouver à être complètement absorbée par le fait de fumer agréablement, sans attendre quoi que ce soit de l'extérieur. Puis, je fis quelques remarques d'apparence anodines sur le fait d'inspirer et de souffler, mots que j'énonçais au rythme de sa respiration. J'évoquai aussi la facilité avec laquelle elle pouvait presque automatiquement élever sa cigarette jusqu'à sa bouche, puis abaisser ensuite le bras jusqu'à l'accoudoir du siège.Ce remarques étaient également émises au moment où elle faisait le geste correspondant. Bientôt, les mots "inspirer" et "souffler", "élever" et "abaisser" commencèrent à la conditionner, sans qu'elle s'en rende compte puisque ces suggestions avaient l'apparence d'une conversation ordinaire. De même, je lui donnai des suggestions banales dans lesquelles les mots "dormir", "endormie" et "sommeil" étaient prononcés en suivant les mouvements de ses paupières.
Avant d'avoir fini sa cigarette, elle était en transe légère. Je lui fis alors la suggestion qu'elle pourrait continuer à prendre plaisir à fumer tout en dormant de plus en plus profondément ; que je m'occuperais de sa cigarette pendant qu'elle serait absorbée de plus en plus totalement dans un profond sommeil ; que, tout en dormant, elle continuerait à avoir les sensations agréables qu'elle avait en fumant. Il s'ensuivit une transe profonde satisfaisante, et je l'entraînai longuement pour lui apprendre à réagir selon ses propres schémas inconscients de fonctionnement.
Par la suite, l'auteur la présenta à maintes reprises à des groupes d'étudiants en médecine pour qu'ils travaillent avec elle comme sujet volontaire. Pour l'essentiel, elle se comportait avec eux comme elle l'avait fait avec l'auteur, mais les étudiants réagissaient de différentes manières à sa requête de fumer une cigarette. Certains la dissuadaient avec tact de remettre ainsi à plus tard l'induction de transe, d'autres se mettaient à fumer avec elle, et d'autres encore attendaient patiemment qu'elle ait fini. Ce n'est qu'après avoir réglé d'une manière ou d'une autre la question de la cigarette qu'ils lui permettaient de s'atteler à sa tâche d'être hypnotisée. Dans tous les cas, le résultat était un échec.Lors de la dernière réunion avec tous les étudiants qui avaient participé à ce travail, deux autres étudiants furent introduits séparément pour tenter de l'hypnotiser. L'auteur avait raconté à ces deux étudiants comment il avait utilisé le comportement du sujet, comme nous l'avons décrit ci-dessus. Tous les deux induisirent des transes profondes. Les autres étudiants, en suivant ces exemples, réussirent aussi par la suite."
mercredi 23 octobre 2013
Formation en hypnose
Découvrez le nouveau programme d'hypnose de l'Ecole Française de Coaching, conçu et donné par votre serviteur à partir de Janvier 2014.
Cliquez-ici :
http://www.ecolefrancaisedecoaching.com/formation-hypnose.html
Prioritairement destiné aux personnes ayant déjà une formation ou une activité professionnelle dans un domaine qui peut bénéficier de l'outil hypnose (coaching, pédagogie, thérapie, profession de santé, management...), ce programme peut également s'adapter à des projets plus personnels.
Le programme est conçu autour d'une pratique simple et concrète, devenant rapidement plus subtile et élaborée. A la fin du cursus, vous maîtrisez les outils de l'hypnose pré-ericksonienne, de l'hypnose ericksonienne, de l'hypnose conversationnelle, et connaissez de très nombreuses façons intelligentes d'accompagner le changement avec l'aide de l'hypnose, que ce soit dans une démarche de thérapie, de relation d'aide, de coaching, etc...
N'hésitez pas à me poser vos questions sur les aspects pédagogiques.
La relation et l'humain au cœur du soin
Le théâtre Adyar qui a accueilli le colloque de l'Arche le 12 octobre 2013 |
Samedi 12 Octobre, l'école d'hypnose ericksonienne ARCHE organisait à Paris un colloque réunissant une vingtaine d'intervenants dans divers champs de spécialité. Beaucoup de choses ont été dites durant cette journée. Plusieurs thèmes récurrents en ressortaient : la peur, le trauma, le cerveau, l'apprentissage, le récit, l'attitude...
Et sans qu'on puisse
dire qu'il fût commun aux diverses interventions, un thème est
revenu à plusieurs reprises : la relation du soignant et du
soigné.
Bien sûr, j'utilise volontairement ces
mots, non pas dans le sens officiel d'une personne habilitée
par le ministère à exercer une métier de soin, mais dans le sens
plus général que nous offre la langue française d'une personne qui
prend soin d'une autre, et réciproquement. Ainsi, peut-on considérer
que la thématique du soignant et du soigné s'applique assez bien à
la relation d'un parent à son enfant, d'un adulte à son parent âgé,
d'un bénévole qui approche une personne à la rue, ou dans bien
d'autres contextes où un humain entre volontairement dans une
relation avec un autre humain dans le but de lui proposer un soutien,
une aide, une écoute, bref, de prendre un peu, l'espace d'un instant
ou dans la durée, soin de lui. Et bien sûr, cela s'applique a
fortiori à ceux des professionnels de la santé qui prennent soin de
leurs patients. (et seuls ces derniers sont légalement autorisés à se décrire comme soignants et à utiliser le terme de soin pour désigner leur activité professionnelle)
Laissez-moi vous évoquer quelques unes
des paroles échangées à ce colloque sur le thème de la relation.
Bien sûr, ce que j'ai compris ne correspond pas fidèlement à ce
qui a été exprimé, car lorsqu'une personne en écoute une autre,
deux s'expriment : l'un par sa voix, et l'autre par le sens
intime que son vécu donne aux mots, et les associations
imprévisibles qu'ils stimulent. Je mets donc mes mots sur des choses
entendues, probablement très infidèle aux propos d'origine.
Le cinéaste Jan Kounen, avec une
clarté et une précision remarquables, a décrit la relation du
thérapeute traditionnel avec son patient, dans les sociétés
amazoniennes du Pérou. Il s'agit d'une relation d'initiation :
il lui offre de façon cadrée une expérience lui permettant de se
confronter à ses peurs les plus essentielles et à les dépasser.
Cependant, il reste un soignant dans la
mesure où les personnes le consultent lorsqu'elles souffrent. Si je
me confronte moi-même à mes démons, mes peurs les plus terribles,
à la nudité la plus pure de mon être, et à ma propre mort,
probablement en retirerai-je plus de chaos encore que de mieux-être,
car subjugué par l'ampleur de l'expérience, je pourrais me noyer
dans la vague des émotions.
Le chaman, par ses chants, assure
l'escalade de l'initié : il fractionne sa confrontation à la
vérité de son être, en bouchées suffisamment petites pour être
digestes. Mais encore, il n'hésite pas, pour le soulager, à lui
voler sa douleur. Lui, parfaitement centré, capable de surfer les
tsunamis les plus violents sans perdre l'équilibre, saura mieux que
son patient se libérer, par un chant encore, de ce mal.
Guide-t-il son patient dans la
thérapie ? Pas vraiment. Il lui ouvre la porte, notamment par
l'administration de l'ayuhuasca, mais le laisse ensuite traverser le
jardin de son expérience, lui offrant la main pour soutenir son
équilibre, sans jamais passer devant lui.
Et c'est la même idée qu'a exprimé
le psychothérapeute Thierry Janssen : le thérapeute propose
une expérience qui est le champ pour le patient d'un apprentissage,
mais il ne lui enseigne rien, et ne le dirige pas. Il est là pour
lui. Une présence.
Janssen a également insisté sur le
fait que le thérapeute se confronte à la peur de sa propre mort,
l'apprivoise, pour ensuite pouvoir offrir cette expérience à
l'autre. Et lorsque Janssen parle de la relation thérapeutique, il
la décrit par la plus parlante des métaphores : elle est une
danse, nous dit-il.
On danse ensemble, et non pas l'un
remportant une victoire sur l'autre ; on danse en mouvement tout
en gardant à chaque instant l'équilibre ; l'équilibre de l'un
soutient l'autre ; il faut s'abandonner à la danse, et pourtant
rester centré sur elle, sur l'autre, sur le mouvement, sur
l'instant. On pourrait encore filer des kilomètres de cette
métaphore au premier abord banale et en réalité d'une justesse
édifiante.
Plus tôt dans la journée, le
psychologue Daniel Goldshmidt a présenté le conflit qui existe,
chez les spécialistes, entre les tenants d'une explication
comportementale de l'hypnose, et ceux qui soutiennent qu'il s'agit
d'une condition particulière de la conscience. Il n'est pas du tout
sûr, en réalité, que les deux camps s'opposent.
Goldshmidt nous a offert une piste de
réconciliation en exposant la théorie de l'hypnose comme phénomène
social. Il ne s'agirait pas de considérer la bonne relation comme un
plus à la pratique de l'hypnose, mais de considérer l'hypnose comme
une évolution sociale de notre espèce. L'hypnose est une forme
intense de mise en relation.
Au sens philosophique du terme, il n'y
a qu'un pas jusqu'à assimiler l'hypnose à l'amour, ce qui serait
même physiologiquement et psychologiquement loin d'être absurde.
Le professeur de management Philippe
Gabillet a témoigné de la façon dont il enseignait l'hypnose à
ses élèves, futurs chefs d'équipes dans des milieux clairement
hostiles, afin que ceux-ci se présentent, pour leur collaborateurs,
non pas comme de méchants chefs les motivant par la menace de
représailles, mais comme de véritables piliers, capable de les
rassurer, de les stimuler, de les renforcer.
Le chef est la ressource humaine la
plus solide de l'entreprise, le bras paternel qui protège son
engeance et lui apprend à trouver sa force. Le leader est celui qui
a affronté et dépassé les pires dangers de son milieu, et en cela,
peut accompagner les moins aguerris à travers ce même chemin
épineux.
La similitude est frappante entre cette
conception du leadership en entreprise et ce que Janssen et Kounen
décrivent de l'initiation traditionnelle, et d'autant plus
surprenante qu'elle est la structure commune d'une relation à
travers des cultures que rien ne semble, de prime abord, rapprocher.
Martine Tual, kinésithérapeute, a
également donné une illustration très claire de la relation
thérapeutique qui consiste à offrir une présence beaucoup plus
qu'une guidance. Elle a décrit comment, par de simples questions,
stimulant l'accouchement par la personne de ses propres métaphores,
de ses propres visualisations, le soigné parvient à effectuer de
lui-même toute la partie mentale du soin. Jamais, dans cet exemple,
ne lui propose-t-elle aucune piste venant d'elle. Elle se contente
d'être présente, par ses questions.
Cette qualité de présence, récurrente
durant ce colloque, a encore été louée par le thérapeute Yves
Wauthier. Démontrant le pouvoir de la provocation en thérapie, il
en révèle l'ingrédient principal, celui qui fait toute la
recette : la bienveillance. On peut dire à l'autre les pires
choses, le confronter brutalement aux réalités les plus crues :
si tout cela est baigné dans le dévouement le plus complet à
l'autre, dans la bienveillance la plus sincère, dans la présence la
plus aimante, il n'en ressortira aucune vexation, aucune blessure,
mais le sentiment d'être compris, une vision plus claire des choses,
et par dessus tout, la possibilité de porter sur ses plus grandes
peurs un regard plein d'un sens de l'humour retrouvé. D'une certaine
façon, la thérapie provocatrice consiste à provoquer, par l'amour
de l'autre, le rire.
Je ne peux malheureusement pas citer
tous les intervenants du colloque et mon choix ici correspond à
l'angle que j'ai voulu aborder. Je citerai probablement les autres
dans d'autres billets, car il y a encore bien des convergences
intéressantes qui ressortent de ce colloque. Mais j'aimerais
terminer en relatant l'intervention de la psychologue Anne Chervet.
Son expérience de soignante en gériatrie, elle l'a partagée à
travers des témoignages touchants car ils concilient un
professionnalisme qui ne repose pas sur le hasard des bonnes
intentions mais sur une solide compréhension du grand âge, avec
l'importance de ne jamais oublier que les soignés sont des
personnes, et que le soin est une relation.
La synchronisation était à l'origine
une technique de mise en relation de deux individus basée sur
quelques éléments rythmiques comme la respiration. Puis, avec le
temps, elle devenue une véritable idée de la relation par
l'ouverture non seulement au rythme de l'autre, mais encore à ce
qu'il est, à qui il est, à ce qu'il croit, à la façon dont il est
dans le monde, ce qu'il en attend, à ce à quoi il attache de
l'importance, etc...
La synchronisation est la danse, à
de multiples niveaux. Et c'est cette façon de se connecter à
l'autre, de s'ouvrir à lui, qu'Anne Chervet a apprise notamment en
apprenant l'hypnose, et qui, comme elle en témoigne, a modifié
totalement la pratique de son activité. Cette acceptation de
l'humain qui se présente devant
nous, est la clef d'une efficacité thérapeutique concrète qui se
répercute dans les détails les plus importants du soin. La chaleur
communiquée est déjà, pour l'âme, un pansement. Et certains
médicament peuvent s'avérer moins nécessaires quand le malade,
souvent apeuré, ressent l'apaisement d'une relation chaleureuse,
profondément humaine, et qui le prend lui, dans toute son humanité.
Depuis, Anne
Chervet enseigne aux soignants qu'elle forme, l'art de la
synchronisation et ceux-ci témoignent du même enthousiasme quant à
cet outil, car il est bien plus qu'un simple gadget ajoutant un peu
de confort aux conditions de travail : il est l'essence du soin,
le premier pas qui dessine le mouvement et fait entrer dans la danse.
Thierry Janssen,
apportant une belle profondeur à cette journée déjà bien placée
sous le signe de l'humain, insiste sur l'importance de ne pas
considérer le thérapeute comme un acteur banal de la société. Son
rôle n'est pas trivial, et il n'est pas un commerçant, un ouvrier
comme un autre. Son rôle est sacré, nous dit Janssen, car il touche
à ce qu'il y a de plus sacré. Le thérapeute l'est parce qu'il
n'est pas une personne ordinaire : il est celui qui a apprivoisé
ses peurs. Et il touche au sacré car il accompagne des humains à
travers la vallée la plus profonde et la plus obscure de ce qui les
constitue, peuplée des peurs les plus intimes, et jusqu'aux hauteurs
d'une présence retrouvée.
A une échelle
variable, il en est de même pour toute relation d'un soignant à un
soigné. Tout relation d'un humain qui, pour de bonnes raisons, offre
son épaule pour soutenir celui qui tombe sur le chemin, est d'une
certaine façon une relation qui échappe au trivial et confine au
sacré.
vendredi 21 juin 2013
Hypersensible ou doué en hypnose ? Le délai de réponse corporelle
Pavel Dmitrichenko |
Dans une relation hypnotique,
lorsqu'une personne répond très rapidement à une suggestion (par
exemple si elle est incapable de bouger son bras juste parce qu'on
lui a dit « Regardez, votre bras est parfaitement et
confortablement paralysé maintenant !), il est de coutume de
lui indiquer qu'elle est « douée » pour l'hypnose, que
sa capacité de réponse inconsciente est un talent. Flatté, le
sujet s'autorise à aller plus loin encore et à faire l'expérience
de phénomènes hypnotiques encore plus étonnants. Cela permet
également de lever tout sentiment négatif qui peut naître de la
perte d'un certain contrôle conscient. Non, vous n'êtes plus
influençable qu'un autre, votre volonté et votre contrôle ne sont
pas faibles : vous êtes juste doué en hypnose. Et cette simple
suggestion a encore beaucoup de vertus que je ne vais pas détailler
ici.
Mais quelle est la réalité ?
Derrière cette capacité, il peut se cacher une trop grande
sensibilité. Pour expliquer cela, permettez-moi de revenir sur
quelques notions de bases nécessaire. Mais j'essaierai de les rendre
aussi claires que possible.
Idéomotricité
Parmi toutes les variables en jeu dans
l'hypnotisabilité, une des plus importante est la réponse
idéo-motrice. Qu'est-ce que c'est que ce machin là ? Et bien,
en très gros voici comment on peut l'expliquer :
Les idées tendent à se développer
jusqu'à un acte. Elles influencent le corps jusqu'à l'action.
C'est la relation de l'idée au
mouvement (au sens large d'une modification interne ou externe de
l'état du corps).
Si je me souviens de mes dernières
vacances à la plage, je m'en fabrique, par exemple, une image
mentale. Me reviennent certaines informations, certains souvenirs,
des sensations, etc... A force de maintenir cette pensée, à force
de me plonger dans ce souvenir, une partie de moi va commencer à
croire un peu que je suis à la plage, et à modifier mon corps en
conséquence. Ma respiration va se modifier, mon rythme cardiaque, la
température de mon corps, l'expression de mon visage. Puis
petit-à-petit d'autres données. Je subis physiquement l'influence
positive de cette pensée agréable à laquelle j'expose ma
conscience.
Héritière de la notion d'idée-force,
ce que nous appellerons par commodité l' « idéomotricité »
est à la base de la compréhension du mécanisme de suggestion. Une
suggestion est valable non pas parce que la personne « croit
que c'est vrai », mais simplement parce que, même si c'est
elle sait que ça n'est que dans son imagination, elle maintient
suffisamment cette idée dans ses pensées pour que cette idée
modifie son rapport à la réalité. On parle alors d'une motivation
à la suggestion.
Prenons un autre exemple. Un enfant
assis sur sa chaise à l'école. Par la fenêtre, il regarde d'autres
enfants courir et jouer au ballon. « Moi aussi je sortirais
bien courir et jouer au ballon », pense-t-il sûrement. Il se
projette. Et cette pensée de lui jouant, même inconsciente,
développe progressivement son influence sur le corps.
Son rythme s'accélère (rythme de son
cœur, de sa respiration, de ses pensées...). Ses jambes s'agitent.
Il ne tient plus en place. Et la pensée qui se développe vers
l'acte doit s'accomplir dans le fait d'exécuter concrètement cet
acte. Cela devient une pensée obsessionnelle, dictant de l'intérieur
une chose à faire. Cette pensée l'occupe tout entier et ne le
laisse pas se concentrer sur le cours. Cette pensée le domine.Très
difficile de ne pas lui obéir. Difficile de l'inhiber, de n'en faire
qu'une simple pensée, quand tout le corps déjà est investi. La
seule libération possible : sortir, courir, jouer au ballon.
La suggestion hypnotique
Or, en hypnose, le fait qu'une pensée
devienne une modification physiologique est fondamentale. Si je vous
demande « Qu'est-ce que vous ressentez au moment de vous
endormir ? ». Cette simple question vous oblige à
orienter vos pensées vers le thème du sommeil, et vers des
souvenirs d'endormissements. Il se peut que, le temps d'y réfléchir
et d'y répondre, cette pensée n'ait eu que peu d'influence sur
votre corps. Rapidement chassée dans la conversation par une autre
pensée, elle restera purement « cérébrale » comme on
dit dans le langage courant, sans devenir sensible.
Mais pour une personne dont
l'idéomotricité est vive, le fait de penser à l'endormissement
s'accompagnera très vite d'une modification de la respiration, du
rythme cardiaque, du tonus musculaire, et le cerveau lui-même
développera plus ou moins rapidement les caractéristiques du
sommeil. Or l'objectif d'une suggestion hypnotique n'est pas qu'elle
soit « comprise » en tant qu'idée, mais qu'elle oriente
la personne vers une modification de son vécu au présent. Ainsi, si
j'évoque le confort, ça n'est pas dans le but que la personne pense
au confort, mais dans le but qu'elle se sente confortable. Si je lui
demande « vous savez ce que c'est le confort ? », je
me fiche qu'elle me dise « oui » ou « non »,
la vraie réponse que j'attends d'observer est celle de son corps qui
adopte, ne serait-ce que de façon infime, le début d'un relâchement
confortable.
Le temps d'agir
L'erreur, lorsqu'on parle
d'hypnotisabilité, ou bien de suggestibilité, serait de penser
qu'il y a des personnes qui vont être sensibles aux suggestions et
d'autres non. En réalité, il s'agit plutôt d'une question de
temps. Combien de temps met la pensée d'un mouvement pour devenir un
mouvement ? Combien de temps met une pensée émouvante pour
provoquer une émotion ?
Ce qu'on appelle aussi
l' « impression » (au sens photographique du terme)
dépend d'un temps d'exposition.
Nous avons l'habitude de tester
l'idéomotricité de beaucoup de façons. Par exemple, une personne
laisse ses deux mains reposer sur ses genoux. On lui explique que sa
main droite va être prise d'un mouvement irrépressible vers le
haut, qu'elle va s'élever toute seule, progressivement. On insiste
pour qu'elle ne fasse aucun mouvement volontairement, qu'elle ne
fasse rien. On peut le lui affirmer (« Votre main va monter
toute seule »), lui faire comprendre subtilement, ou lui
évoquer des métaphores. L'essentielle est que cette personne
développe en elle l'idée de ce mouvement, l'attente de cette
action. Peu importe comment elle y arrive.
Certains auront immédiatement, sous l'effet de cette suggestion et des autres variables en jeu, une réponse motrice, c'est-à-dire un premier spasme du biceps par exemple, qui fera monter la main. Chez ces personnes, l'idée devient un acte extrêmement vite. Ils ont une forte impressionnabilité, ou une forte idéomotricité, pour continuer avec ce néologisme.
Certains auront immédiatement, sous l'effet de cette suggestion et des autres variables en jeu, une réponse motrice, c'est-à-dire un premier spasme du biceps par exemple, qui fera monter la main. Chez ces personnes, l'idée devient un acte extrêmement vite. Ils ont une forte impressionnabilité, ou une forte idéomotricité, pour continuer avec ce néologisme.
D'autres personnes auront besoin qu'on
maintienne dans leur esprit cette pensée pendant une période
prolongée, le temps qu'elle finisse par avoir une influence sur le
mouvement. On peut par exemple répéter la suggestion, ou bien
laisser un long silence, ou bien demander à la personne de continuer
d'imaginer ce mouvement, ou d'imaginer quelque chose qui évoque ce
mouvement (par exemple, que la main est accrochée par une corde à
une montgolfière imaginaire, qui s'envole toujours plus haut). La
réponse n'est qu'une question de temps. Pour la plupart des gens,
quelques minutes grand maximum avant que la main monte. Mais pour
certaines personnes, cela peut-être beaucoup plus long. Et en
général, c'est d'autant plus important pour ces personnes de
parvenir jusqu'à ce point. C'est pourquoi la qualité essentielle de
l'hypnotiseur ou de l'hypnothérapeute, c'est certainement la
patience, une pleine confiance dans le temps. Ces personnes, que
beaucoup d'hypnotiseurs impatients considèrent comme « non
hypnotisables » et que les tests statistiques excluent le plus
souvent, sont en réalité aussi doués que les autres. C'est juste
une question de temps.
En hypnose, ces réponses involontaires
sont fondamentales, car elles induisent naturellement le début d'un
état hypnotique, et elles sont le moyen de valider le travail
effectué à un niveau inconscient. Et c'est ce qui fait la
différence avec une simple thérapie par la pensée, sans tenir
compte de l'intégration physique de l'idée.
Augmenter la réceptivité
Lorsqu'une personne a une idéomotricité
trop lente, nous disposons de tout un panel de techniques simples et
confortables pour l'aider à développer des réponses plus
rapidement. C'est ce qu'on appelle l'induction hypnotique (du moins
une partie). Et un entraînement lui permettra à terme de développer
des réponses beaucoup plus vives, et d'entrer en hypnose rapidement.
Cela dit, est-ce que cette lenteur est un défaut ? Pas
nécessairement. Elle est liée à la maturité émotionnelle et il
peut être important de la conserver. Mais dans certains cas, elle
est la cause du trouble qui amène la personne à consulter (perte de
libido, perte d'appétit, perte de motivation...). Augmenter la
rapidité des actions spontanées et des réactions du corps est
alors l'essentiel de la thérapie. L'hypnothérapie repose alors,
dans ces cas, essentiellement sur l'induction, sur l'entraînement à
l'hypnose, beaucoup plus que sur le travail de suggestions
administrées sous hypnose.
L'hypersensibilité
Cela nous amène tout naturellement à
parler de l'extrême inverse : les réponses ideomotrices quasi
instantanées.
Certaines personnes, nous le disions au
début, développent les distorsions les plus grandes en un temps
record avec peu de suggestions. On les qualifie souvent de
somnambules naturels, car ils développent sans entraînement l'état
de dépersonnalisation éveillée le plus totale appelé hypnose
somnambulique. Les hypnotiseurs sont souvent fascinés par ces
somnambules. Leur versatilité va souvent de paire avec des amnésies
hypnotiques fréquentes. C'est ce qui trompe beaucoup d'observateur
dans la compréhension des phénomènes. En hypnose de spectacle, ils
sont souvent recherchés, car ils offrent au public des
démonstrations impressionnantes des capacités du cerveau. L'hypnotiseur peut alors passer pour un "grand sorcier", ou un fascinateur extraordinaire, alors qu'en réalité, tout le mérite revient au rostrum cérébral du sujet, en quelque sorte. Mais
est-il souhaitable de leur faire faire ce type d'expérience ?
Est-ce vraiment un talent qu'ils ont ?
Il faut comprendre que toute pensée ne
doit pas devenir un acte, et qu'il existe un mécanisme d'inhibition
qui permet par exemple de ne pas me jeter sur la nourriture à chaque
fois que l'envie me traverse l'esprit, de ne pas tuer mon voisin dés
qu'il me tape sur les nerfs, et de ne pas dire tout ce qui me passe
par la pensée. La pulsion de l'acte se développe, mais assez
progressivement pour que je la réprime parfaitement. La graine
pousse, mais dés que je vois la première tige sortir du sol, je
l'arrache sans peine. Je ne laisse pas les mauvaises herbes de ma
pensée envahir le terrain de mon action. C'est pourquoi nous sommes
des êtres de culture. Ceci est rendu nécessaire par la structure
sociale vers laquelle notre espèce a évoluée.
Or, bien des troubles sont liés au
fait de ne plus arriver à réprimer tel acte, telle parole, telle
émotion. « C'est plus fort que moi », dit-on. On devrait
plutôt dire « C'est plus rapide que moi ».
En effet, la pensée de l'acte se
développe tellement vite et prend une telle ampleur dans l'esprit
qu'il est trop tard pour lui enlever sa force pulsionnelle. Pour
reprendre la métaphore de la graine, notre compensation rationnelle
n'est déjà plus de taille pour couper cet arbre poussé trop vite
dont le tronc est déjà trop épais.
Une personne qui a la phobie des
oiseaux, par exemple. Aussitôt un oiseau parvenu à sa pensée (soit
qu'elle voit un oiseau, soit qu'elle y pense, ou qu'elle s'en
souvienne...), l'émotion monte, si vivement qu'elle ne peut l'en
empêcher. Son cœur, sa respiration, son expression, tout son corps,
répondent à l'effet fulgurant de sa panique. Et entièrement
baignée dans l'émotion, il n'est plus si évident d'en sortir.
Cela ne veut pas dire que toutes ses
réponses motrices soient aussi vives et il se peut que seule cette
phobie pose problème.
Mais dans le cas des « somnambules
naturels », il s'agit souvent de personnes dont l'immaturité
émotionnelle s'exprime par une idéomotricité très vive de façon
générale. On les nomme communément « hypersensible ».
(attention, certaines personnes peuvent être d'excellents sujets
d'hypnose sans êtres pathologiquement sensibles). Ces personnes ont
une émotivité pathologiquement grande. Parfois, elles s'avèrent
très influençables. Parfois ces personnes souffrent d'automatisme
fort (par exemple, elle vont marcher pendant des heures sans arriver
à décider du moment de s'arrêter). Ou bien d'impulsions, de
compulsions. Parfois d'addictions. Très souvent, elles souffrent
d'idées obsessionnelles. Ces personnes pleurent facilement. Et
développent très facilement des peurs sur la moindre pensée
négative. Parfois confinant à la paranoïa (confusion entre l'idée
et le réel). Et il y a encore beaucoup d'autres troubles que l'on
peut citer qui sont liés à une hyper réactivité du corps par
rapport aux représentations mentales. Et les personnes souffrant de
cette hypersensibilité générale ont souvent une histoire de vie
qui ne fait que renforcer les troubles.
Cela s'accompagne en général de
troubles importants de la personnalité, qui, versatile, a du mal à
trouver des repères stables.
Ne pas brusquer
Nous l'avons dit : ces individus,
si vous les soumettez aux tests de réceptivité de l'hypnose, y
répondent de façon prodigieuse. Capables, bien souvent, de
développer n'importe quel phénomène hypnotique en un temps record.
Est-ce que, pour autant, on leur dirait qu'elles sont « douées »
pour l'hypnose, que c'est un talent, qu'il faut le cultiver ? Ce
serait une attitude irresponsable. Au lieu d'être leur talent, c'est
leur plus grande faiblesse. Et le travail en hypnothérapie consiste
alors à ralentir les réponses idéomotrices, à redonner à ces
personnes les rênes de leur attelage émotionnel, le contrôle de
leurs émotions. Bien qu'il faille pour cela compenser des données
physiologiques (Rostrum...), c'est un travail progressif qui porte
des fruits vraiment très intéressant.
Les personnes hypersensibles sont
particulièrement vulnérables, et leur personnalité est souvent
épuisée par tous les chamboulements émotionnels qu'elles vivent.
C'est pourquoi il est fondamental de prendre un soin particulier avec
ces personnes, de les accompagner avec énormément de douceur et de
délicatesse. Il est très important de ne pas les soumettre au type
de transe hypnotique qui entraîne une dépersonnalisation.
C'est-à-dire qu'il faut veiller à les maintenir dans des états
superficiels. Mettre l'accent sur la procédure de réveil
(réunification stable de la personnalité). Eviter les phénomènes
hypnotiques trop avancés. Eviter de les soumettre à des
démonstrations d'agrément n'ayant pas d'utilité thérapeutique.
C'est d'autant plus contre-indiqué dans ces cas. Si vous vous
reconnaissez dans cette hyper sensibilité, ou même dans une moindre
mesure, dans une sensibilité un peu excessive, ne vous prêtez à
une démonstration d'hypnose que si vous avez parfaitement confiance
dans l'expérience, le recul et la finesse de l'hypnotiseur.
Il est notamment fondamental
d'apprendre aux personnes hyper-réceptives à changer d'état de
façon lente et progressive. « Switcher » d'une émotion
ou d'une perception à une autre, sans transition, il n'en sont que
trop capables. Et c'est précisément en leur apprenant à passer par
une douce transition qu'on leur offre la possibilité de reprendre du
contrôle et de ne plus être dépassés par ce qu'ils vivent.
Ralentir les réactions.
Permettez-moi de ne pas faire de
précaution de langage. Rien ne doit être brusqué ! On ne doit
pas brusquer une personne hypersensible lorsqu'on mène l’entretien
préliminaire à l'hypnothérapie. On ne doit pas brusquer la
personne pour qu'elle entre en transe hypnotique. On ne doit pas
brusquer les réactions hypnotiques. On ne doit pas brusquer la
thérapie, qui devrait s'étaler autant que nécessaire pour que
chaque chose se construise dans la solidité et la stabilité. Mais
bien au contraire, il s'agit de retenir. Retenir les chevaux sauvages
de leur émotivité. Quitte à décevoir leur impatience d'aller
mieux le plus rapidement possible.
Même pour les demandes les plus
anodines en apparence. Par exemple, une personne hypersensible qui
fume et désire arrêter de fumer peut arrêter du jour au lendemain
avec l'hypnose dans une euphorie parfaite. Or, il est probable qu'une
décompensation en découle, même si ça n'est pas systématique, du
fait du bouleversement trop important que constitue, pour sa
personnalité pas assez stable, le fait d'être fumeur un jour et
non-fumeur le lendemain. Alors, il est conseillé d'imposer au
patient, si on le soupçonne de s'emballer dangereusement, un sevrage
par étape, afin d'être sûr qu'il digère correctement le
changement bouchée par bouchée, et sans indigestion. Et de même
pour tout travail visant un changement important.
Dans certains cas, si l'on soupçonne
même que cette hypersensibilité est d'ordre à désordonner la
personnalité de la personne de façon critique, alors le cas relève
probablement d'un suivi médical, et il est nécessaire que le
patient puisse bénéficier du diagnostique d'un psychiatre et que
l'hypnothérapie soit menée en complément, et de préférence par
prescription du psychiatre. C'est de la responsabilité de la
personne de consulter un médecin, mais son accompagnant en
psychothérapie ou en hypnothérapie est fortement encouragé à lui
recommander des examens et doit veiller à ce que la personne ne
remplace pas les soins médicaux par son hypnothérapie. En effet,
dans certains cas, un traitement médical aidera fortement la
personne à retrouver du contrôle sur ses émotions, et un équilibre
chimique cérébral apaisant. Et le travail de thérapie s'en trouve
parfois largement facilité.
Conclusion : redevenir le maître à
bord
A l'heure où l'on fait grand cas de la
sensibilité, et où l'on méprise littéralement la raison, où l'on
incite les individus à libérer sans contrainte leur spontanéité
pulsionnelle, au mépris de leur propre contrôle, il est fondamental
de prendre conscience qu'il existe des personnes fragiles que
l'extrême capacité à subir une influence, une impression
corporelle sous l'effet de leur pensée rend particulièrement
vulnérables. L'hypnose ne doit en aucun cas et sous aucun prétexte
être prise à légère et il est fondamentale de ne pas confondre
cette grande hypnotisabilité avec un jouet pour manipulateurs
inconséquents. Et tout le travail de l'hypnothérapeute consiste à
canaliser ces pulsions afin de rétablir l'équilibre de compensation
psychologique qui est la condition du calme intérieur et d'un
bien-être mental.
Dans de telles conditions, les personnes hypersensibles peuvent bénéficier favorablement de l'hypnothérapie, non pas seulement par une rémission temporaire, mais dans un mieux-être croissant à long terme. Cela dit, les personnes souffrant n d'un excès de sensibilité bénéficieront également très profitablement d'une thérapie sans altération de conscience et basée sur l'exercice pratique et progressif de leur contrôle émotionnel comme par exemple certaines thérapie cognitivo-comportementales. Et le moment de l'hypnose le plus merveilleux pour ces personnes, si le travail hypnothérapeutique a été mené avec soin, est le moment du réveil, où la personne peut expérimenter un calme intérieur et une stabilité comme jamais, un sentiment d'unité et de réconciliation intérieure qui lui permet de redevenir le capitaine de son navire, Redevenir le maître à bord de soi.
Dans de telles conditions, les personnes hypersensibles peuvent bénéficier favorablement de l'hypnothérapie, non pas seulement par une rémission temporaire, mais dans un mieux-être croissant à long terme. Cela dit, les personnes souffrant n d'un excès de sensibilité bénéficieront également très profitablement d'une thérapie sans altération de conscience et basée sur l'exercice pratique et progressif de leur contrôle émotionnel comme par exemple certaines thérapie cognitivo-comportementales. Et le moment de l'hypnose le plus merveilleux pour ces personnes, si le travail hypnothérapeutique a été mené avec soin, est le moment du réveil, où la personne peut expérimenter un calme intérieur et une stabilité comme jamais, un sentiment d'unité et de réconciliation intérieure qui lui permet de redevenir le capitaine de son navire, Redevenir le maître à bord de soi.
Envie d'apprendre ? Laurent Bertin vous partage ses connaissances
Chers lecteurs, passionnés d'hypnose ou simples curieux, permettez-moi de vous recommander la lecture du blog de Laurent Bertin, hypnologue parisien, passionné de neurosciences et qui jette des ponts entre les différentes disciplines qui peuvent éclairer la pratique de l'hypnothérapie.
Laurent Bertin, hypnologue |
Laurent Bertin est un hypnologue généreux et talentueux que son extrême humilité naturelle a poussé, presque malgré lui, à devenir un des meilleurs hypnologues que j'ai rencontrés, ainsi que l'un des plus discrets. (Rien ne me force à le dire, et je ne le dis que parce que je le crois)
Perpétuellement insatisfait par son niveau de science, il est un infatigable lecteur. Et cela l'a amené, toujours un peu sans qu'il le réalise, à accumuler une culture générale et spécifique dans le domaine de la thérapie, de l'hypnose, et dans les domaines annexes, telle qu'il est probablement l'un des spécialistes les plus cultivés que je connaisse.
Il parvient en outre à tirer de son expérience de père de famille un vrai sens de la pédagogie et une façon particulièrement fine et humaine d'accompagner les individus, dans le respect le plus délicat de leur part enfantine.
Quand des personnes réunissent de vraies qualités professionnelles et humaines, et que, peu dévouées à la communication commerciale, ils restent à l'écart des projecteurs, je pense qu'il n'est jamais dommage d'en témoigner. Et je suis ravi d'être amené à collaborer avec lui sur certains certains projets.
Je vous recommande donc la lecture de son blog : http://hypnoscient.fr/ Laurent y partage ses coup de coeur, ses découvertes, et ses pensées.
Et particulièrement, j'attirerais votre attention sur ses quatre billets consacrés au mécanisme cérébral de la peur : le fonctionnement de l'amygdale cérébrale.
2ème partie : http://hypnoscient.fr/amygdale-peurs-innees/
3ème partie : http://hypnoscient.fr/lamygdale-une-amie-a-traumatismes/
Vous comprendrez pourquoi et comment vous avez peur, afin de mieux apprendre, comme il le fait si bien remarquer, à "raisonner cette résonance"
Bonne lecture à tous !
lundi 3 juin 2013
Une hypnose soviétique filmée par Tarkovski
En attendant un prochain billet sur ce blog, je vous propose une courte vidéo datant de 1974. Il s'agit de la scène d'introduction du film "Le Miroir", d'Andreï Tarkovski. Nul doute que cette séquence, mise en scène par le réalisateur, ait toutefois l'authenticité d'être une véritable démonstration de la méthode d'hypnose classique très en vogue dans les milieux médicaux de l'Union Soviétique des années 70. On peut supposer que ni la thérapeute ni le patient ne sont des acteurs, ni ne "font semblant". Le patient, que l'on soigne d'un bégaiement, semble montrer une grande sensibilité qui laisse supposer une susceptibilité aiguë à l'hypnose et à la suggestion du médecin, a fortiori dans un contexte aussi particulier.
Le jeune bègue est délivré de son incapacité et finit par dire sans encombrement "JE PEUX PARLER". Puis le film parle. Le narrateur se souvient à la première personne. Mais pour plonger dans les souvenirs, tout doit commencer, nous montre Tarkovski, par l'hypnose.
Sentez-vous libres de commenter et de discuter ici de cette vidéo. Merci
Le Monarque de l'Océan, Erickson
Article 1 : http://www.realites-hypnotiques.fr/resistance-erickson/
Article 2 : http://www.realites-hypnotiques.fr/erickson-technique-et-ethique/
Voici deux commentaires d'une conférence passionnante de Milton Erickson disponible en fichier audio et en transcription écrite. Dans ces deux commentaires, publiés dans le magazine web Réalités hypnotiques, j'ai tenté de mettre en avant plusieurs angles principaux :
la gestion de la résistance à l'hypnose,
l'utilisation de tout ce qui existe,
la communication conscient/inconscient,
l'éthique de la permissivité,
Nourris d'exemples et d'explications pédagogiques, ces deux articles s'adressent aussi bien aux professionnels de l'hypnose ou de la psychothérapie qu'aux curieux désirant découvrir la justesse d'une approche unique.
Bonne lecture
dimanche 31 mars 2013
L'hypnose selon Derren Brown
Pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, Derren Brown est un « show man » britannique qui
s'est illustré à la télévision avec des émissions de « magie
mentale » absolument étonnantes. Il mêle des techniques de
psychologie, de manipulation, de suggestion, d'hypnose et de prestidigitation pour
donner l'illusion de pouvoirs paranormaux. Bien
souvent, au delà du simple divertissement, sa démarche est de
montrer qu'on peut parfaitement, par de simples « trucs », accomplir des prouesses en apparence surnaturelles mais qui ne le sont pas
en réalité. Sceptique engagé, il nous invite à nous émerveiller
tout en questionnant notre propre crédulité et notre naïveté.
Ses shows télévisés et ses
spectacles sur scène absolument prodigieux l'ont imposé comme le
plus grand dans sa catégorie et lui ont donné une célébrité
mondiale qui n'a en rien gâté son charme et à son humour si
britanniques.
Sur son site officiel, il évoque
une discipline qui lui est chère : l'hypnose. Je me permets
(désolé pour les droits !) d'en donner une traduction ici. L'exercice
de la traduction est très délicat, et je n'en suis pas spécialiste.
J'ai tenté de rendre au mieux le sens en évitant autant que
possible les faux-amis. Mais excusez par avance
les libertés que j'ai dû prendre. Je me suis permis quelques notes de bas de page pour clarifier certains termes. Toute remarque est la bienvenue.
Bonne lecture !
Derren Brown |
Derren Brown :
« J'ai commencé ma carrière en tant qu'hypnotiseur après
avoir développé un intérêt dans cette technique alors que j'étais
étudiant et, comme je n'avais pas très envie de gagner ma vie comme
thérapeute ou de transformer des hommes adultes en danseuses de
ballet, j'ai commencé à rechercher des façons plus créatives
d'intégrer l'hypnose (ouverte ou invisible)1
et les formes de suggestion à mon travail.
Je ne crois ni que l'hypnose ait quoique ce soit de
magique, ni qu'elle puisse être entièrement élucidée en le
ramenant à un simple jeu de rôle ou à une simulation.
Il me semble qu'on peut mieux comprendre l'hypnose en tant que processus par lequel le sujet s'autorise à devenir plus « ouvert » (responsive)1 à l'hypnotiseur, d'une façon très similaire à la réceptivité qu'on tend à manifester lorsqu'on se rend chez un médecin ou qu'on interagit avec une personne qui fait autorité. On adopte très rapidement les idées que nous transmettent ces personnes à un niveau qui n'est pas nécessairement conscient. C'est comme cela que les mots d'un médecin et son attitude peuvent avoir pour effet une guérison due au moins en partie à l'effet placebo, davantage qu'au principe actif du médicament prescrit. Et c'est aussi comme cela que nos goûts et notre avis sur une question peuvent se trouver influencés par l'opinion d'une personne dont on respecte l'autorité dans le domaine en question.
Il me semble qu'on peut mieux comprendre l'hypnose en tant que processus par lequel le sujet s'autorise à devenir plus « ouvert » (responsive)1 à l'hypnotiseur, d'une façon très similaire à la réceptivité qu'on tend à manifester lorsqu'on se rend chez un médecin ou qu'on interagit avec une personne qui fait autorité. On adopte très rapidement les idées que nous transmettent ces personnes à un niveau qui n'est pas nécessairement conscient. C'est comme cela que les mots d'un médecin et son attitude peuvent avoir pour effet une guérison due au moins en partie à l'effet placebo, davantage qu'au principe actif du médicament prescrit. Et c'est aussi comme cela que nos goûts et notre avis sur une question peuvent se trouver influencés par l'opinion d'une personne dont on respecte l'autorité dans le domaine en question.
De même, il peut être utile de considérer
l'hypnotiseur comme une personne d'autorité2
parmi d'autres, et un « sujet réceptif» (responsive
subject)3
comme quelqu'un qui s'est autorisé à devenir très suggestible à
son contact. Il me semble qu'il existe un trait de personnalité
qu'on pourrait qualifier de « sensibilité à la suggestion »
(responsivness) et que, en règle général, on possède ou non quand
il s'agit de se faire hypnotiser. Ce n'est pas un trait figé, dans
le sens qu'on peut très bien ne pas répondre favorablement à
l'hypnose et pourtant être facilement « fasciné »,
obnubilé, perdu dans ses pensées (starry-eyed)4,
ou suggestible dans d'autres situations ou avec certaines personnes.
Mais la réceptivité individuelle à l'hypnose semble être
relativement fiable, et peut même être mesurée selon l'échelle d'Harvard.
Tester ou
constater qu'une personne est un « bon sujet » pour
l'hypnose ne signifie pas qu'on est capable de décrire ce qui se passe vraiment dans sa
tête durant ce processus. Dans l'histoire, il y a eu beaucoup de
débats et globalement deux écoles de pensée dominantes ont
émergées : ceux qui ont vu l'hypnose comme étant un « état
particulier » et ceux qui l'ont comprise comme une sorte de
« jeu de rôle » et de comportement obéissant (compliant
behaviour)5.
Par exemple, une personne sous hypnose hallucine un éléphant dans
la pièce : un adepte de la « théorie de l'état »
pourrait dire que l'hallucination a été provoquée par quelque
chose de bien particulier qui s'est passé dans le cerveau du sujet ;
tandis qu'un tenant du « comportement » dirait que le
sujet a simplement joué le jeu pour satisfaire l'hypnotiseur. Et
pour ne pas le décevoir, lorsque l'hypnotiseur lui demande après
coup si ça n'était qu'un jeu entre eux, le sujet irait jusqu'à
affirmer avec insistance que l'éléphant était bien réel.
Récemment, ces deux camps ont trouvé un terrain d'entente, et
on explore actuellement une zone située à mi-chemin entre ses deux
théories. Le consensus, et bien sûr le modèle auquel j'adhère,
semble être le suivant : on ne peut rien faire faire à une
personne sous hypnose qu'elle ne pourrait accomplir lorsqu'elle n'est
pas hypnotisée. Lorsque nous sommes très motivés, nous pouvons
parfois faire des choses extraordinaires que nous trouverions
extrêmement difficiles, voire impossibles à mener à bien dans notre
état « normal ». Un jour, un de mes amis a voulu me
prouver qu'il n'est pas nécessaire d'être sous hypnose pour manger
un oignon cru et trouver cela délicieux (un numéro classique
d'hypnose de spectacle !). Il est allé jusqu'à mon frigo pour
prendre un oignon cru qu'il a savouré avec délices. Motivé par son
désir de me prouver qu'il avait raison, il était capable de faire
cette chose qui aurait été largement inconfortable dans d'autres
circonstances. Il a prouvé la force de son esprit, et après cela,
celle de son haleine !
La douleur réagit bien à l'hypnose : vous avez peut-être entendu les récits de patients qu'on avait hypnotisés pour subir des opérations chirurgicales invasives sans anesthésie chimique. Cela peut sembler extraordinaire, puisqu'ils peuvent souvent répondre à des questions alors qu'on est en train de les charcuter sur la table d'opération. Néanmoins, une fois de plus, on retrouve ce phénomène dans la vraie vie : la douleur est très subjective et on n'a pas besoin d'hypnose pour arriver à en faire totalement abstraction. On peut se couper un doigt et ne sentir aucune douleur jusqu'à ce qu'on voit le doigt saigner. Ou, ce qui est très habituel chez les comédiens, lorsqu'ils posent un pied sur la scène, ils oublient une douleur qui les a pourtant embêté toute la journée.
La douleur réagit bien à l'hypnose : vous avez peut-être entendu les récits de patients qu'on avait hypnotisés pour subir des opérations chirurgicales invasives sans anesthésie chimique. Cela peut sembler extraordinaire, puisqu'ils peuvent souvent répondre à des questions alors qu'on est en train de les charcuter sur la table d'opération. Néanmoins, une fois de plus, on retrouve ce phénomène dans la vraie vie : la douleur est très subjective et on n'a pas besoin d'hypnose pour arriver à en faire totalement abstraction. On peut se couper un doigt et ne sentir aucune douleur jusqu'à ce qu'on voit le doigt saigner. Ou, ce qui est très habituel chez les comédiens, lorsqu'ils posent un pied sur la scène, ils oublient une douleur qui les a pourtant embêté toute la journée.
Cependant, l'esprit d'un sujet très suggestible est
une chose extraordinaire : dans « The Assassin», premier
épisode de ma série « The Experiments », mon sujet
hypnotisé, Chris, s'est allongé dans une baignoire pleine de glace
avec joie, du moins jusqu'à ce que j'annule la suggestion. (voir la vidéo ici)
J'ai été surpris, et les scientifiques avec qui
j'avais préparé ce test également, par le fait que Chris semblait
vraiment ravi de rester dans la baignoire indéfiniment. Bien que je
sache que Chris pouvait seulement exploiter un potentiel dont il
dispose aussi bien en dehors de l'hypnose (mais seulement dans un
état de motivation extrême, d'adrénaline élevée, ou autre), le
fait qu'il soit si détendu en le faisant m'a fait me demander si
j'avais eu raison de croire avec autant d'évidence que rien
d'extraordinaire ne peut être accompli par l'hypnose. »
1
En effet, il est possible de faire un usage des techniques
d'hypnose et de suggestion assumé, c'est-à-dire que la personne
visée est au courant qu'il s'agit d'hypnose ou de suggestion (overt
hypnosis), ou bien encore on
peut utiliser ces techniques plus subtilement de sorte que la
personne visée ne se doute pas une seconde de ce dont il s'agit,
sauf à le deviner (covert hypnosis).
2
Ici, une « personne d'autorité » traduit l'expression
« authority figure ». Elle
désigne toute personne qui représente une autorité morale ou
intellectuelle, dont la parole a du poids pour nous parce qu'on la
considère comme crédible, comme plus savante, ou plus légitime
que nous. On tend à croire cette personne en toute confiance.
3
Le terme anglais « responsive », très
délicat à traduire en français, pourrait s'expliquer dans ce
contexte comme suit : le
sujet est particulièrement sensible à l'hypnotiseur, à son
écoute, et disposé à adhérer aux idées qu'il présente et à
réagir à ses suggestions. Selon les phrases, la traduction
adéquate pourrait être « réactif », « réceptif »,
« ouvert », « à l'écoute », « sensible »,
« suggestible »... Et pourtant, aucun de ces termes
n'apporterait en lui-même une traduction satisfaisante.
4
L'expression « starry-eyed »
est également ambivalente selon le contexte et délicate à
traduire sans sacrifier la plupart de ses nuances. Elle signifie
« qui a un regard plein d'étoiles » et peut aussi bien
désigner une personne idéaliste, qu'une personne rêveuse, ou une
personne qui semble absente et dont le regard reste figé.
5
L'adjectif « compliant » est
lui aussi un terme très délicat à traduire. La « compliance »
est une forme de conformation. Pour simplifier, la « compliance »,
c'est le fait de dire « oui », d'accepter. Pourtant le
terme « acceptation » ajouterait une nuance de
résignation, le terme « complaisance » connoterait une
arrière-pensée ou une attitude peu noble, le terme « obéissance »
amène une relation dominant-dominé. Ces nuances ne sont pas
évoqués par le terme « compliance » et amènent donc
le lecteur français à mal comprendre l'intention de la phrase.
Cependant, ici, j'ai traduit l'adjectif « compliant »
par « obéissant »,
faute de mieux.
lundi 25 mars 2013
L'art de presque dormir. Pourquoi « hypnose » ?
Hypnos et Thanatos, par John William Waterhouse |
En 1820, le baron de Cuviliers
(1755-1841) a le premier fabriqué le mot « hypnose » sur
la base du suffixe -ose qui désigne une condition (comme dans
narcose, névrose ou psychose) et du nom propre Hypnos.
Fils de Nyx (la nuit) et frère de
Thanatos (la mort), Hypnos est le dieu du sommeil dans la mythologie
grecque. Lui et Nyx engendrèrent Morphée, dieu des rêves. Hypnos a
le pouvoir d'endormir les gens, mais également les dieux.
Alors pourquoi fabriquer ce terme
au demeurant si poétique ? Pour désigner la condition déjà nommée
« sommeil »? Probablement pas. Mais plutôt la condition
particulière dans laquelle se trouve celui qu'une autre personne,
tel un dieu Hypnos, vient d'endormir. Ce qui résulte de l'action
d'endormir quelqu'un.
Et qu'est-ce qui résulte de l'action
d'endormir quelqu'un ? Qu'est-ce qu'on obtient lorsqu'on cherche
à faire dormir une personne ? Du sommeil ? Et bien pas
nécessairement. Cela dépend beaucoup de la méthode, du contexte,
du moment, de la personne qui endort et de celle qui est endormie.
Les résultats à cette tentative peuvent prendre beaucoup de formes
(et c'est tout le problème).
En très gros, Cuviliers a appelé
"hypnose" un état qu'on observait lorsque, par la
suggestion (ordres, passes, incantations, rituels, etc...), on
pressait une personne de s'endormir.
Mais le contexte de l'expérience était
rarement propice à ce que la personne, en réponse à cette
suggestion, s'endorme aussi bien qu'elle le fait la nuit. Si on
demande à une personne de dormir mais que c'est en plein jour,
qu'elle est debout, qu'elle a les yeux ouverts, qu'il y a des bruits
autour, qu'on lui demande non pas d'une voix qui berce mais d'une
voix qui réveille, elle pourra, ou bien s'avouer incompétente à
satisfaire nos attentes, ou bien s'efforcer comme elle le peut
d'imiter le sommeil au maximum. Mais en fonction de ces contraintes
de contexte et du talent naturel de la personne, elle n'obtiendra
qu'un résultat très partiel. Et c'était déjà le cas à l'époque
du baron de Cuviliers.
On attend qu'un sujet s'endorme. Il
comprend, parce qu'on lui dit (suggestion directe), parce qu'on lui
fait comprendre (suggestion indirecte) ou parce qu'il l'imagine,
qu'on attend de lui que, à tel ou tel signal, il s'endorme plus ou
moins vite. Ceux qui répondent consciemment à cette attente,
c'est-à-dire qu'ils simulent, singent, miment le sommeil, sont
rares. La plupart des sujets soumis à une telle attente, suggérée
selon une méthode établie (hypnotisme), développent certains
aspects cognitifs supposés être une réponse adéquate,
c'est-à-dire supposés ressembler au sommeil. Et parfois, c'est le
cas (production de rêves, surdité, paralysie, anesthésie, mutisme,
somnambulisme, dépersonnalisation, etc...). Parfois, on obtient
simplement une forme de pensée primaire dans un corps très actif
semblable aux transes observées dans d'autres pratiques.
A certaines époques, il arrivait qu'en
réponse à la suggestion de « dormir », les hystériques
s'abandonnaient à leurs crises. Parfois, ne sachant comment
proprement « dormir » dans un tel contexte, des sujets se
figeaient dans une catalepsie totale jusqu'à nouvel ordre. Parfois,
les sujets développaient tout une vie « seconde », une
autre personnalité, juste pour le temps de ce faux sommeil.
Ces réactions diverses, on comprendra
un peu plus tard qu'elles étaient beaucoup le fait de la suggestion,
et qu'elles dépendaient beaucoup du discours de l'hypnotiseur et de
sa méthode, ainsi que des idées préconçues du sujet, notamment
dues à « l'air du temps ». Le sujet ne fait pas
seulement ce qu'on lui demande de faire : il fait ce qu'il croit
comprendre de ce qu'on lui demande de faire, même s'il n'a pas
forcément le sentiment d'obéir volontairement (c'est pourtant le
cas).
Alors qu'on parlait souvent de
« sommeil partiel provoqué » (ce qui veut tout dire et
rien dire à la fois : quelle partie du sommeil ?), il était
important de créer un nom pour désigner toutes ces réponses.
« Hypnose » s'est donc imposé comme un joli nom pour
désigner « l'état que développe une personne à qui l'on
suggère de s'endormir ». LES états plus exactement. Et plus
généralement, de nos jours, non plus seulement les états mais
« les réponses que développe une personne à qui l'on suggère
de dormir », aussi bien comportementales que cognitives ou
chimiques. Mais aujourd'hui qu'on rechigne à dire le mot « sommeil »
dans l'hypnose, celle-ci est devenu « les réponses que
développe une personne à qui l'on suggère d'entrer dans un état
d'hypnose ». Ce qui est possible maintenant que le mot a
trouver un sens dans l'inconscient populaire.
Cela dit, on peut bien suggérer encore
une autre condition. De nos jours, si l'on demande à une personne
non pas de « dormir » mais d'entrer dans une « transe »,
ou bien de « devenir ivre », ou encore un autre état
second, le résultat partiel obtenu est souvent appelé « hypnose »
quoi qu'il en soit. Alors on nomme souvent hypnose « toute
réponse que développe une personne à qui l'on suggère d'entrer
dans une condition altérée, qui résulte habituellement d'une autre
action que la suggestion ». Mais laissons cela, qui devient un
peu complexe pour revenir à la question du sommeil.
Nous parlons de réponse partielle,
mais chez certaines personnes naturellement douées pour cela, ou
entraînées dans ce sens, ou encore mises dans des conditions
favorables, la réponse, lorsqu'on leur demande de « dormir »
ressemble beaucoup à du sommeil. L'imitation peut aller jusqu'aux
ondes cérébrales, et parfois même à la perte du lien avec
l'hypnotiseur. Alors la personne s'endort « vraiment » et
elle ne se réveille qu'à la fin de sa sieste. Mais une conformité
si totale avec le sommeil nocturne est rare. Le plus souvent, il
reste ce que l'on nomme un « rapport », ce lien, cette
connexion entre l'hypnotiseur et l'hypnotisé.
Si le rapport est maintenu,
c'est-à-dire que l'endormi continu d'écouter celui qui l'a endormi
comme il continuerait d'écouter la télévision s'il s'était
endormi devant, il reste alors à l'écoute de ce qu'on attend de
lui. Si on lui demande de rêver d'une promenade en forêt et que son
imitation du sommeil était allée jusqu'à développer une activité
onirique, il suivra sûrement cette suggestion et rêvera d'une
promenade en forêt. Si son imitation a aboutit à cet état de
sommeil dans lequel certaines personnes, somnambules, sont capables
d'accomplir des tâches, voire de tenir une conversation sans pour
autant se réveiller, alors l'hypnotiseur pourra avoir une
conversation avec lui ou lui demander de faire certaines choses sans
pour autant qu'il se réveille, ni qu'il s'en souvienne au réveil.
On appelle cet état « somnambulisme hypnotique » ou
« hypnose somnambulique ». Dans cette condition,
d'ailleurs, il ne sera pas bien difficile de lui demander de
développer une anesthésie, des hallucinations, de « devenir »
temporairement une autre personne, de redevenir lui à un âge
antérieur, d'oublier ou de se souvenir de quelque chose, ou toute
autre possibilité dans ce genre.
Mais ça n'a rien d'automatique. Chaque
personne peut développer certaines capacités dites « hypnotiques »
et ne pas en développer d'autres. Une personne qui développe
parfaitement la capacité qu'on a tous, en dormant, de devenir comme
sourds aux sons venant de l'extérieur, pourra très bien ne pas
parvenir à être insensible à un contact sur sa peau, même léger
– caractéristique pourtant tout aussi naturel du sommeil (en
effet, on ne ressent pas ses draps la nuit durant lorsqu'on est bien
endormi). Ou bien l'inverse, une personne pourra entendre tous les
sons ambiants et parvenir très bien à devenir anesthésique, même
les yeux ouverts.
C'est pourquoi l'histoire de l'hypnose
est aussi l'histoire de l'échec à labelliser et à catégoriser ces
différents états de sommeil partiel. Ils sont très différents, et
pour chacun uniques. Beaucoup de chercheurs ont même cru pouvoir
établir des échelles de « profondeur de l'hypnose »,
c'est-à-dire différents degrés de succès de l'imitation. Une
échelle populaire au XIXème siècle proposait que le stade le plus
incomplet d'hypnose correspondrait à une imitation de la passivité
du dormeur, plongé dans un état sans pensée et sans initiative.
Puis un second stade correspondrait à l'état du dormeur qui rêve,
très actif, du moins le croit-il, dans un monde imaginaire. Puis un
troisième stade correspondrait à l'imitation du somnambule, capable
d'être « comme réveillé » sans l'être vraiment. Mais
cette échelle, comme toutes les autres, ne tient pas compte de
l'extrême variabilité des réponses d'une personne à une autre et
d'un hypnotiseur à un autre.
C'est aussi parce que ces réponses
sont multiples et que beaucoup de personnes réagissent à cette
suggestion de dormir hors contexte en n'ayant même pas vraiment l'
« air endormi » (ni réveillé non plus dans la plupart
des cas) qu'on a fini par nier tout cousinage entre les états
appelés « hypnose » et le sommeil nocturne que nous
connaissons tous.
Il me semble pourtant important de
rendre à la suggestion du sommeil ce qui lui appartient dans
l'histoire de l'hypnose. Si l'obsession de l'époque avait été
d'imiter, de provoquer artificiellement et par une cause externe non
pas un sommeil mais l'ivresse éthylique par exemple, alors
l'histoire aurait peut-être été différente.
Mais le sommeil est l'expérience la
plus commune (tout le monde dort) et la plus quotidienne d'une
condition radicalement différente de l'éveil, radicalement altérée.
Chaque nuit, nous accomplissons sans effort et avec perfection des
distorsions de nos perceptions (comme nous couper totalement du monde
extérieur, ou rêver, ou ne pas voir les heures passer) et des
distorsions de notre personnalité (comme revivre un événement de
l'enfance, ou se prendre pour quelqu'un d'autre), ou de la mémoire
(oublier les rêves, revivre un souvenir). Sans parler des libertés
qu'on prend avec la réalité (traverser les murs en rêve, voler...)
et des idées nouvelles qu'on adopte.
Parce qu'on a voulu endormir les autres
mais sans les laisser se coucher dans leur lit, on n'est parvenu qu'à
un résultat partiel. Et miracle du hasard, un échec devenant
l'occasion d'un succès que l'on recherchait pas, on a pu alors
exploiter en les guidant les compétences nocturnes des personnes. Or
ces compétences permettent beaucoup de changement, et notamment un
travail thérapeutique.
La psychothérapie bénéficie des
états altérés, et on a même utilisé l'éther, le chloroforme,
l'alcool et autres substances pour mener des thérapies. En effet les
suggestions, dans ces états, sont interprétées avec un vécu
propre à créer une compréhension nouvelle et une amélioration de
la condition psychique. Une personne à qui l'on suggère de repenser
à tel traumatisme de son enfance pourra adopter un angle nouveau qui
ne correspond pas aux structures de pensée habituelles qui sont les
siennes dans son état d'éveil ordinaire. Une personne à qui l'on
suggère de s'imaginer en train de prendre la parole avec aisance
devant cinq cents personnes pourra rêver cette expérience, avec une
implication émotionnelle forte, « comme s'il y était »,
et développer une véritable assurance maintenant qu'elle sait de
quoi il s'agit.
Or, c'est ce que permettent aussi les
hypnoses, mais qui, elles, sont des états naturels (induits sans
produit chimique) et sans effets secondaires indésirables. Ces faux
sommeils, souvent très partiels, mais guidés, se sont très vite
présentés comme de parfaits alliés à la suggestion thérapeutique.
Dés lors que certains ont commencé à utiliser l'hypnose en
remplacement d'états induits chimiquement dans le but de donner des
suggestions efficaces à leur patients, ils ont posé les bases de
qu'ils ont rapidement appelé « psychothérapie »
(c'est-à-dire « soigner par l'esprit »).
Aujourd'hui, la psychothérapie se
pratique sous bien des formes (réflexion, conversations, monologues,
exercices, pratiques corporelles, pratiques artistiques, écriture
autobiographique, analyse, jeux de rôle, etc...). Et
l'hypnothérapie, bien que pionnière du genre, est une méthode
parmi un grand nombre d'autres. Ce qui est formidable, c'est que le
recours à certaines caractéristiques du sommeil pour aider le
changement en profondeur permet d'intégrer un usage de l'hypnose à
quasiment toutes les autres formes de pratiques psychothérapeutiques,
même s'il ne s'agit jamais vraiment d' « endormir »
l'autre.
L'intuition de tenter d'endormir les
gens, plutôt qu'une erreur, était probablement le coup de génie de
l'hypnose, un tour d'ouvre-boîte dans une boîte de pandore qui
rendaient potentiellement disponibles d'un coup tous les phénomènes
du sommeil. C'est bien le pouvoir d'Hypnos, malmené par de simples
mortels, qui a offert l'éventail de pouvoirs naturels, devenu
l'hypnose d'aujourd'hui.
Bien sûr, pour en prendre conscience,
il a fallu attendre qu'on comprenne l'importance de la suggestion :
ce qui compte, c'est ce que l'autre comprend de ce qu'on attend de
lui.
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