jeudi 8 décembre 2011

Clichés et contre-clichés de l'hypnose... 1ère partie

Si on vous dit « hypnotiseur », ne pensez-vous pas à un personnage du genre de ce magnifique portrait du réalisateur américain Orson Welles ?
A vrai dire, de moins en moins. Les clichés sur l'hypnose fonctionnent par mode. Il y a une dizaine d'années, nous étions confrontés à des préjugés très primaires et des idées effrayantes sur l'hypnose bien plus souvent qu'aujourd'hui. Désormais, de plus en plus de gens ont eu recours à l'hypnose thérapeutique ou lu un article sur ce sujet, ou vu un reportage à la télévision, ou bien encore ont un ami qui a lui même expérimenté, et caetera. Les clichés changent, malheureusement ou heureusement, pour le meilleur comme pour le pire. De plus en plus, l'idée préconçue des gens par rapport à l'hypnose se divise en deux cas :
  • l'idée inspirée des spectacles d'hypnose collective où l'on incite à la désinhibition dans un contexte parfois peu rassurant.
  • L'idée inspirée de séances d'hypnothérapie de type relaxation basée sur des métaphores et des accompagnements très doux n'offrant parfois qu'une expérience de détente bien peu hypnotique. Version moins effrayante mais également moins fascinante et digne d’intérêt.
Or, que ce soient les tenant de l'application scénique de l'hypnose ou les tenants de son usage thérapeutique, beaucoup d'hypnotiseurs croient bon de s'évertuer à « tuer les clichés » et à offrir des clés de compréhension.
Mais vouloir absolument contredire les idées courantes amène bien souvent à jeter le bébé avec l'eau du bain et à réfuter des choses pourtant bien réelles. En voici quelques exemples : (je formulerai directement en guillemets les « anti-clichés »)

  • « l'hypnose n'a rien à voir avec le sommeil ». C'est vrai qu'il est courant de penser que l'hypnose a un rapport avec le sommeil tant on se souvient de cette image d'un hypnotiseur autoritaire qui dit « Dormez, je le veux ! » à ses sujets... Beaucoup s'acharnent contre cette idée. Et pourtant, la filiation de l'hypnose avec le sommeil et avec le somnambulisme permet de comprendre l'idée de l'hypnose comme un état. Cette considération est négligée par les tenants du comportementalisme en hypnose et qui ne s'intéressent pas toujours à l'hypnose vraiment profonde. Réduire l'hypnose à un sommeil semble difficile, quoique... Toutefois, penser le sommeil comme une hypnose... Ou l'hypnose comme l'extension d'une phase transitoire du sommeil... Penser narcose et hypnose autrement... Tout cela amène des compréhensions réellement utiles d'un point de vue technique. D'autant que l'évocation très classique du sommeil dans les suggestions hypnotiques n'a pas été l'erreur d'une hypnose archaïque mais une intuition psychologique d'une efficacité prodigieuse.

  • « l'hypnose est totalement agréable. Ca ne doit pas vous faire peur ». C'est vrai que le personnage classique de l'hypnotiseur avait une forme de charisme qui entretien la peur. Et désormais, on passe son temps à rassurer tout le monde. Pourtant, l'hypnose n'est pas aussi anodine que certains voudraient le croire et sa pratique demande une grande maturité, une pleine conscience des responsabilités qu'elle entraîne, et une éthique solide. Or la peur que suscite l'hypnose, dans une certaine mesure, n'est pas son ennemi mais au contraire un élément très important de l'induction de l'hypnose. Le glissement vers un état profond de dissociation hypnotique, quand il est vécu pour la toute première fois, est souvent précédé d'un moment plus ou moins long en fonction des individus et des méthodes utilisées de stress et de peur accompagnés d'une très forte curiosité, voire d'une impatience très vive. Dans ce stade, la respiration s'accélère, le rythme cardiaque également, et une sorte de tension intérieure s'exprime qui marque le début de la dissociation. Il ne s'agit ni plus ni moins que de cette même peur que vous ressentez dans la queue d'un grand huit dans un parc d'attraction. Vous avez de plus en plus envie d'y aller, car vous savez que c'est sans danger et que ça vous apportera une expérience hors norme, et tout à la fois c'est bel et bien une expérience qui sort tout-à-fait de l'ordinaire et qui présente une part d'inconnu, d'aventure propre à vous faire ressentir ce frisson, cette adrénaline délicieuse. Et en vous ce dialogue : une partie de moi veut partir d'ici, une partie de moi veut si fortement monter dans ce manège. En hypnose, pour accompagner correctement cette première expérience de glissement vers l'hypnose, il est important de savoir tenir compte de cette réaction des plus naturelles. Il ne sert à rien de nier la peur. Elle n'est pas toujours une mauvaise chose. Il ne sert à rien d'avoir peur de la peur. Pour beaucoup, le frisson de la nouveauté est d'autant plus pénible et délicieux que vous mettez beaucoup d'espoir dans cette expérience. Tout cela est parfaitement normal. 

  • « L'hypnose est un état de détente ». Pour rassurer ceux qui redoutent qu'on les place, rigides, entre deux tréteaux, certains hypnotiseur insistent sur le fait que l'hypnose est un état de profonde relaxation du corps. Cette relaxation peut-être suggérée à certains stades de l'hypnose, surtout en hypnose légère. Pourtant, à un degré plus profond, la dissociation du corps et de la pensée fait que le confort devient un élément de perception indépendant du corps. Le corps peut bien être tendu tandis que vous ressentez une parfaitement sensation de détente. Cette capacité à ne pas faire dépendre son ressenti uniquement de l'état réel des choses mais de le lier à l'imagination ou à la suggestion est justement au cœur de l'apprentissage qu'offre l'expérience hypnotique et qui lui permet des applications thérapeutiques. Trop attendre la détente du corps pour obtenir la sensation de détente peut être contre-productif en hypnose, voire parfaitement anti-hypnotique. L'hypnose se passe « dans la tête », et le corps peut bien même marcher dans la rue, courir, faire du vélo, du cheval, travailler, jouer d'un instrument de musique, jouer une pièce de théâtre, dire une conférence, faire l'amour, etc., ça n’empêche absolument pas cette dissociation, bien au contraire. 

  • « L'hypnose n'est pas un état de détente. » La relaxation physique en hypnose étant devenue elle-même un cliché de la nouvelle hypnose, certains hypnotiseurs s’affairent bien entendu à le réfuter. Et pourtant, la relaxation du corps, surtout si elle passe par un processus de concentration méthodique sur les sensations et si elle atteint le stade d'un relâchement excessif du tonus musculaire a pour effet une altération de la proprioception, des sensations du corps, une immobilité confortable, puis une dissociation qui ne s'apparente pas à du sommeil mais à un état d'activation bien plus extraordinaire du cerveau. Or, si cet état a été induit par une relaxation guidée par les suggestions de quelqu'un, cette personne peut être considérée comme l'hypnotiseur de l'autre en vertu de la relation particulière d'accompagnement qui s'est établie. L'hypnose n'est pas nécessairement un état de détente. Pourtant, un certain état de détente se présente comme éminemment hypnotique. Du reste, en hypnose profonde, on observe une paresse des sujets par rapport aux interactions extérieures. Même si certaines partie du corps peuvent agir ou être en tension, globalement, la personne a tendance a être plutôt « dans le pâté », et à être trop détendue pour s'exprimer clairement et longuement, bien qu'on puisse lui suggérer d’être plus active.
Reprendre tous les clichés et les contre-clichés de l'hypnose pour les éclairer en fonction de mon approche et de mon expérience personnelle (et professionnelle) serait un travail de très longue haleine et qui vous demanderait encore plus de temps de lecture que je ne vous en vole déjà. Alors, procédons par épisodes : je compléterai régulièrement cette liste avec deux ou trois nouveaux points, analysés avec plus ou moins de détails. Si un aspect vous intéresse particulièrement et que vous désirez que je développe mon point de vue sur sur celui-ci, faites moi parvenir votre question par e-mail ( contact@hypno-paris.fr ) ou par commentaire.

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